CPAS, BAPA et associations

Les agissements du groupuscule Sharia4Belgium en Belgique, les attentats du 10 Janvier  au Bureau du Journal Charlie Hedbo et du  13 novembre  2015 à Paris ou encore la médiatisation de la crise migratoire, autant d’évènements qui ont remis la question du parcours d’intégration obligatoire sur le devant de la scène.  Ce parcours  a été adopté avec succès en Flandre en 2004, mais il a été  boudé à Bruxelles et en Wallonie. À présent, il semble jugé utile face aux migrants qui affluent, qu’il faut accueillir et encadrer afin de garantir une intégration effective afin d’empêcher une dépendance au système social. De cette idée, a été créé le BAPA (Bureaux d’Accueil pour Primo-Arrivants) à Bruxelles et, dans la foulée, la Wallonie s’est doté d’un système du parcours d’intégration obligatoire.

Cependant, en y regardant de plus près, j’ai trouvé intéressant le positionnement des acteurs politiques sur cette question. Néanmoins, ce qui m’a le plus interpellée, c’est l’impression que j’ai eue d’une absence d’opinion de la société civile, plus précisément des CPAS et du tissu associatif en charge de l’accueil des primo-arrivants. Pourtant, ces acteurs de terrain œuvrent concrètement, et quotidiennement à l’insertion sociale de l’individu. Ils sont les mieux placés pour partager leurs difficultés de terrain, à savoir les éléments qui garantissent la réussite ou l’échec d’un tel processus et les moyens qui leur manquent.

Si l’on regarde le BAPA, l’on pourrait penser à une énième structure d’accueil des primo-arrivants, alors que les CPAS et des associations, comme Convivial, réalisent le même objectif depuis de nombreuses années. À quelques exceptions près, le CPAS octroie le revenu d’intégration sociale.  Toutefois un manque de collaboration institutionnelle  n’entraîne pas un risque de perdre le titre de séjour. Dès lors, devrait-il y avoir une coopération accrue entre ces deux institutions ou devrait-on renforcer le soutien et les pouvoirs des CPAS ?  En lien de causalité, la fresse se fait déjà l’écho du manque des moyens et de l’urgence de créer un deuxième BAPA, tellement le nombre des bénéficiaires est important.

Helvine Wendo

Cynisme et droit à vivre dans un pays « sûr »

On en parle dans l’actualité , dans le cadre de nos études , dans les conversations de tous les jours , « la crise des réfugiés ». Dès le départ, l’idée d’approcher de près et de pouvoir enquêter sur ce phénomène de manière concrète s’avérait passionnant, afin de tenter de comprendre les mécanismes, le parcours d’intégration, l’accueil reçue par les réfugiés dans nos pays .
Mon héritage familial fait que j’ai grandi avec des proches qui vivent dans un pays dont ils ne sont pas originaires. Il m’ont parlé de l’exil, de leur enfance, de leur pays, de leur culture qui leur manquait et de leur intégration ici. A travers ces récits personnel, j’ai eu l’occasion de deviner les difficultés pratiques propres à l’immigration, au delà des facteurs psychologiques.
Aujourd’hui, ma position d’étudiante me demande de porter un regard analytique sur le parcours de ces gens. Je dois me pencher sur les épreuves administratives qu’ils devront passer alors qu’ils fuient une guerre, quittent leurs proches, sont parfois seuls, ne parlent pas notre langue et ne connaissent pas nos codes. Quand on suit l’actualité au fil des jours et qu’on tombe sur les photos des naufragés en Méditerranée, on se demande avec ironie si ces drames ne suffisent pas comme épreuve pour avoir droit à vivre dans un « pays sûr ».
Le processus d’intégration est plus que jamais institutionnalisé et médiatisé. Les réfugiés doivent répondre à une liste de critères pour avoir droit à un permis de séjour qui leur permettrait de rester sur le territoire belge. Mais s’ils n’y répondent pas, ils devront quitter le territoire. Quelle est la réalité de ces gens? Au-delà des critères, quel est leur parcours de vie? Qu’ont-ils fui et comment ont-ils fait pour arriver en vie jusqu’ici?
Au fur et à mesure de mon enquête, avec de plus en plus de recul, le terme « parcours d’intégration » me parait assez cynique. C’est étrange de savoir que des gens fuient des pays en guerre et doivent faire tant de démarches pour avoir peut-être un jour la possibilité de « s’intégrer » dans un pays où eux et leurs familles ne risquent plus la mort. Le cynisme, c’est de demander à ces exilés de prouver qu’ils ont le droit de rester ici pour échapper à la mort.
Et puis au-delà des épreuves du parcours d’intégration – des épreuves institutionnelles -, il faudra qu’ils répondent à bon nombre d’autres épreuves, sociales cette fois: s’intégrer dans une société bercée par le discours de la “menace des réfugiés” et le “danger islamiste”.

Léa Emmanuel

Intégration et mes propres préjugés

Les modèles d’intégration suisse ou encore scandinaves étant souvent sous le feu des projecteurs, notre groupe a décidé de se pencher sur ce qui est organisé en Belgique. En effet, on en parle très peu, et ce n’est que récemment qu’un projet de parcours d’intégration a été mentionné dans les médias. L’une des membres du groupe étant assistante sociale dans un CPAS à Bruxelles, elle nous a mises sur la piste de cette thématique intéressante puisque très peu connue.

On pourrait s’attendre à ce que la Belgique, et en particulier Bruxelles, capitale européenne, soit un modèle en matière d’intégration et que des structures bien ancrées dans la société belge, spécialisées dans l’accueil des réfugiés, y existent. Après recherche, nous nous sommes rendues compte que la réalité belge était toute autre. Il existe en effet plusieurs ASBL et CPAS qui s’occupent de la question des réfugiés mais il n’y a pas une seule institution centralisée. De plus, Bruxelles et la Wallonie sont à la traîne dans le domaine par rapport à la Flandre voisine.

Après avoir insisté pour obtenir un entretien avec la première ASBL agréée proposant un parcours d’intégration, « VIA »,  j’ai rencontré la directrice adjointe. Cet entretien m’a particulièrement marquée puisque j’ai remis en question certaines idées reçues que j’avais, malgré ma prétendue ouverture d’esprit sur la question. Mes parents ayant eux-mêmes été réfugiés en Belgique, je me suis étonnée d’avoir certains préjugés par rapport aux personnes qui viennent trouver refuge ici. J’en suis par exemple venue à poser une question sur les dérives du système, à savoir, à demander s’il existerait  un risque que les personnes qui bénéficient du parcours n’abusent des aides sociales qui leur sont accordées. Je me suis alors fait la réflexion à posteriori, que le milieu social dans lequel nous évoluons conditionne véritablement notre point de vue sur la question de l’immigration, et que si, moi, indirectement issue de l’immigration, et ayant été le témoin du parcours de mes parents, arrivais à penser à ces choses là, je pouvais d’une certaine manière comprendre la raison qui pousse certaines personnes à avoir des avis radicaux sur la problématique. C’est un paradoxe de vivre dans une société qui encourage le développement des idées reçues sur une thématique aussi délicate puisque, à plusieurs reprises dans l’entretien, la personne interrogée a expliqué qu’il ne s’agissait pas d’une intégration des personnes mais que c’est bien à la société d’intégrer celles-ci. La Belgique a encore beaucoup d’efforts à faire afin de pallier une immigration avec volonté de retour au pays, ce qui est à la fois une des causes et des conséquences de l’échec de l’intégration.

Cependant, en comparant l’expérience de mes parents, livrés à eux-mêmes lors de leur arrivée à Bruxelles, avec ce qui est organisé à l’heure actuelle, j’en suis venue à réaliser les progrès qui ont été faits dans le domaine. On ne pense parfois pas à l’utilité de faire apprendre certaines choses banales mais à la fois très utiles, comme l’utilisation des transports en commun, à une personne qui n’a pas grandi en Belgique. C’est notamment un des rôles de l’ASBL « Via », au delà de l’apprentissage de la langue ou de cours de citoyenneté beaucoup plus théoriques. Je suis assez optimiste quant à l’évolution de ce projet. Peut-être les réfugiés pourront-ils, dans quelques années, être intégrés au mieux dans le paysage belge, comme c’est le cas en Suède par exemple, où pour la première fois une personne directement issue de l’immigration a été élue ministre?

Emina BEKTO

Conversations à l’extérieur et à l’intérieur d’une association

Le parcours d’intégration revêt des défis en matière d’intégration qui diffèrent d’une association à l’autre. Les associations agrégés par la Cocof et qui se chargent de ce parcours d’intégration, s’engagent à suivre la ligne directrice de ce parcours. Tout à la fois, elles ont une marge de manoeuvre qui se transpose dans leurs différentes activités. J’ai pu observer cette marge de manœuvre au sein de l’association Arthis, une association belgo-roumaine qui est chargée de ce parcours d’intégration depuis bon nombre d’années.

Lorsque j’attends devant la porte de l’association pour rentrer et commencer mes entretiens, une femme m’approche en me demandant si je travaille dans cette association. En lui disant que non, elle m’explique pourquoi ce matin-là, elle est venue s’intéresser aux services que la maison Arthis propose. Ensuite, elle enchaîne sur comment elle a trouvé cette association. Elle me parle de ses amies qui ont suivi des cours de français et qui ont pu décrocher un travail grâce aux séances d’informations et aux différents ateliers proposés. En outre, « elle ne veut pas faire d’éloges », elle veut juste me dire que si je veux suivre des cours en français ou même en savoir plus sur mes droits en tant qu’immigrante, ici, c’est le bon endroit. Elle est venue avec son fils, qui a 15 ans et qui a besoin de cours de français. Mais elle a besoin que ses documents soient traduits en français, pour qu’elle puisse débuter le processus de mise en règle avec tous les exigences belges.

Après cette conversation, j’entre et j’ai l’impression d’interrompre le cours de français. L’ambiance est très détendue et « les élèves », les immigrés qui suivent ce cours, sont tous très attentifs et participent vivement au cours. J’entre dans le bureau de la secrétaire, qui m’accueille chaleureusement et commence à m’expliquer comment cette association est née et quelles sont les différentes activités proposées. Elle évoque aussi les différents défis que l’association rencontre : «  la lutte contre le racisme, la lutte contre les préjugés, faire connaître les lois, augmenter l’autonomie linguistique pour avoir accès à un métier, etc. ». Dans un premier temps, on pourrait s’imaginer que toutes les associations font face aux mêmes défis et aux mêmes situations en ce qui concerne ce parcours d’intégration. Par contre, il se révèle que chaque association fait face à une variété des défis qui changent en fonction de chaque individu. Cette association se donne aussi comme défis d’aider les enfants à augmenter leur capacité d’expression, de réaliser des ateliers qui les aident à former leur personnalité. L’objectif est de « briser l’isolement » en réalisant des groupes où les individus doivent apprendre à collaborer.  Il y a ce désir d’aider les individus à s’immerger dans la société belge, néanmoins, dans un premier temps, ils aident à dépasser les disparités engendrées par un manque de capitaux financiers et culturels et à surmonter le blocage social que peut créer la pauvreté.

J’attends que le cours de français finisse pour parler à une des professeures et lui expliquer ce que je veux faire au sein de l’association et le but de cette enquête que je dois réaliser. Le cours fini, j’entends des remerciements et des pourquoi il sera difficile pour quelques « élèves » d’arriver au cours prochain : ils sont à la recherche d’un emploi et ils auront des entretiens. Ces élèves ne connaissent peut-être pas la définition officielle du « parcours d’intégration », mais ils donnent l’air de bien savoir que cette association et les cours qui y sont donnés faciliteront leur intégration dans la société belge.

                                                                             Elena Giorgiana Lupu

 

Lacunes et balbutiements du parcours d’intégration

Pour notre enquête nous avons décidé de nous intéresser au parcours d’intégration qui est mis en place en Belgique et plus particulièrement dans la région de Bruxelles. Nous avons donc contacté diverses organisations, ASBL mais aussi les CPAS de la région. Je me suis donc rendue à l’ASBL Horizon Sud car elle met en place un réel plan pour aider les primo-arrivants en Belgique. J’ai été marquée par le fait que ce parcours d’intégration n’était pas similaire dans toutes les organisations que nous avons contactées. Chaque organisation met en place son propre parcours et nous nous sommes rendues compte de la complexité de la situation en Belgique actuellement. En effet, le projet reste neuf et il n’est pas entièrement construit, alors qu’il est urgent de trouver une solution vu le flux de réfugiés qui arrivent notamment à cause de la crise syrienne.

Grace à l’enquête que j’ai réalisée et notamment celles qui ont été réalisées par les autres personnes de mon groupe, je me suis vite rendue compte que l’accueil des réfugiés en Belgique n’était en fait pas encore bien organisé et qu’il était en réalité difficile de s’adresser aux bureaux d’accueil de Bruxelles qui semblaient débordés. En réalité il s’agit d’un projet politique encore nouveau, qui semble encore mal coordonné. Lors de mes entretiens, j’ai remarqué que l’accueil des réfugiés pas les ASBL était « individuel ». Nous nous sommes intéressées à l’intégration des migrants, donc la manière dont ils sont suivis par ces associations. L’ASBL Horizon Sud donne beaucoup d’intérêt d’abord à loger ces personnes mais aussi à leur donner des cours qui leurs permettront d’être insérées dans le domaine professionnel afin de ne plus en dépendre.

Lorsque j’ai interrogé deux personne au sein de l’ASBL Horizon Sud, j’ai été touchée par deux choses. Les deux personnes m’ont expliqué que le parcours d’intégration était bien structuré comparé à d’autres pays de l’Union européenne, mais qu’il restait tout de même beaucoup de lacunes qu’il fallait corriger. D’abord, cette ASBL est surtout auto financée, dans le sens que ce sont des bénévoles ou des anciens réfugiés et demandeurs d’asiles qui contribuent à son financement, et que l’Etat n’est pas vraiment dans la capacité d’apporter son aide. J’ai eu l’impression que, bien sûr, il y avait un modèle à suivre mais que surtout chaque organisation proposait un parcours relatif à ces propres capacités, ce qui témoigne encore une fois d’un manque de coordination entre toutes ces organisations qui ont un but commun. On peut voir aussi qu’il n y a pas vraiment de communications entre elles.

La deuxième choses qui m’a marquée durant mon enquête est que ces mêmes personnes que j’ai interrogées étaient elles même issues de l’immigration, ce qui me semblait encore plus intéressant puisque je ressentais un réel engagement de leur part. Ces derniers ressentaient un besoin d’aider d’autre personnes qui allaient passer par le même parcours difficile en Europe. Dans l’ensemble, ils étaient très positifs concernant le parcours d’intégration belge et donnaient une importance primordiale quant à l’apprentissage d’une des langues nationales.

Dans l’ensemble, l’avis de ces deux personnes étaient très positif concernant le parcours d’intégration mis en place, mais encore une incertitude concernant sa réussite, puisque nous sommes encore au début de sa mise en place, mais aussi faute de moyens.

 

Lara Jabbour

 

Un besoin de coordination

  S’intéresser au parcours d’intégration a fait évoluer la signification que je donnais au sens du mot intégration. Il signifiait incorporer quelque chose à un ensemble, assimiler un élément à l’intérieur d’un ensemble. On a beaucoup employé ce mot ces derniers mois, parlant d’échec du processus d’intégration à l’œuvre dans nos sociétés pour expliquer le cas de jeunes radicalisés. Suite aux entretiens avec divers acteurs de l’intégration, une autre définition s’est esquissée. L’intégration pour laquelle ces asbl œuvrent a pour objectif l’égalité des droits entre migrants et nationaux et l’émancipation de ces migrants L’intégration se définit comme donner aux immigrants des outils nécessaires (la connaissance de la langue, du droit belge,…) qui vont leur permettre d’avoir accès aux institutions de l’Etat, aux biens public sur un pieds d’égalité avec les nationaux. C’est permettre leur indépendance, leur fournir les compétences nécessaires pour s’émanciper dans la société d’accueil.

   Le parcours d’intégration est donc composée de quatre volets, outre un bilan individuel, on y retrouve des cours de langue française, des ateliers citoyens et un service d’insertion socio-professionnelle. À Bruxelles, le secteur associatif est actif dans le domaine de l’intégration depuis de nombreuses années. Avant l’ouverture des BAPA (bureaux d’accueil pour les primo-arrivants), des associations et initiatives émanant des communes proposaient déjà des cours de français, des cours d’alphabétisation et des cours d’initiation à la vie citoyenne ou au droit belge. Des services d’équivalence de diplôme et d’aide à l’emploi précèdent également la création des BAPA. L’offre était donc déjà existante, dès lor: qu’est-ce que ce parcours officiel apporte? Bien entendu, un parcours officiel offre des services et formations standardisés. Un changement important aussi est la reconnaissance des cours suivis par la délivrance d’une attestation, qui sera prise en compte lors d’une procédure de naturalisation. Car auparavant, seul le BON délivrait des attestation officielle. En plus de ces BAPA, la COCOF a agréé et subsidie six opérateurs officiels qui dispenseront des ateliers citoyens pouvant donner lieu à une attestation officielle.

Avec l’ouverture d’un parcours officiel, on peut se demander comment va se réagencer le paysage bruxellois de l’intégration. Et si les mots restructuration et coordination sont récurrents dans les propos de certains collaborateurs ou assistants sociaux, ils ne sont pas encore d’application. L’importance d’une coordination, au moins entre les six opérateurs officiels, est reconnue mais difficile à mettre en œuvre. Le problème est que tout pousse en même temps. Les communes redirigent déjà des demandeurs d’une procédure de naturalisation vers ces cours de citoyenneté pour obtenir une attestation, quand les asbl ne sont pas encore prêtes à les accueillir. Une coordination est d’autant plus importante qu’elle permettra de répondre à la diversité du secteur. Car le public en quête d’intégration est loin d’être homogène. Ainsi, les BAPA s’intéressent exclusivement à un public de primo-arrivants donc à ceux en possession d’un titre de séjour légal de plus de trois mois mais présents sur le territoire belge depuis moins de trois ans. Des associations comme Objectif asbl ou Solidarité Savoir considèrent que ce n’est pas parce qu’on réside depuis plus de trois ans sur le territoire qu’on est intégré à la société d’accueil. Ils s’adressent donc à un public beaucoup plus large. Une coordination au sujet des langues dans laquelle sont dispensés les cours d’initiation à la citoyenneté peut être bénéfique pour s’assurer que chacun dispose d’une opportunité de s’intégrer. Cette volonté de coordination pour présenter une offre cohérente aux personnes souhaitant s’intégrer, je l’ai observée et j’espère bien qu’elle aboutira.

 Yasmine Dauffenbach

Entre théorie et pratique

Il est souvent intéressant de comprendre les limites sous-jacentes d’un projet politique en comparant le projet théorique avec la réalité pratique. Dans le cadre de notre travail nous avons eu pu observer ce décalage dans le cas du projet d’intégration des réfugiés en région Bruxelloise. Cette fracture de mise en place est identifiable très simplement d’un point de vue institutionnel, et se voit plus encore quand on s’intéresse aux perceptions des individus qui participent à ce projet.

J’ai été très intéressée par la structure institutionnelle qui démontre ce décalage. Il s’agit de l’Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile (Fedasil) qui est en charge de l’intégration des réfugiés en Belgique. Les termes et étapes de ce processus sont décrits très précisément et clairement dans un programme en trois étapes sur le site de l’organisation[1]: la procédure d’asile, le séjour en centre d’accueil; l’obtention d’un permis de séjour; le travail de réinstallation et d’intégration. Ce projet expliqué en termes simples et en apparence très structuré nous a orientées dans les premiers temps de notre travail pour la phase de planification et de prise de contact avec les organisations. Nous avons établi (à tort ou à raison) toute notre stratégie d’approche à partir de ces informations institutionnelles et nous avons choisi de nous concentrer uniquement sur les organisations en lien avec la troisième étape du projet, la réinstallation des réfugiés, gérée selon nos informations par les Centres Publics d’Action Sociale (CPAS) et les Centres Régionaux d’Intégration (CRI) en région francophone.

La réalité nous a rapidement rattrapées. Il s’est avéré que Fedasil ne travaille que sur une fraction très restreinte de ce projet global. Le reste est délégué à un ensemble d’organisations variées en terme de taille, mission et composition allant bien au-delà des CPAS et CRI. Nous nous sommes rendues alors compte que ce projet politique global avait tenté de se construire autour d’organisations préexistantes qui ne rentraient pas forcément dans un programme figé en trois étapes. Après avoir eu des difficultés à rentrer en contact avec les CPAS et CRI il s’est avéré que ces derniers ne couvraient également qu’une petite fraction de ce processus très récent. Nous avons donc dû creuser plus largement pour découvrir la grande quantité d’associations qui travaillent à l’établissement du projet global tout en étant trop nombreuses et différentes pour vraiment s’intégrer dans ce dernier de manière cohérente.

Très récemment le processus en région bruxelloise s’est institutionnalisé et a tenté d’intégrer un ensemble d’asbl pré-existantes. Il est intéressant de jeter un œil au budget de Fédasil pour se rendre compte de la délégation des activités relatives à l’intégration des réfugiés[2]. Ainsi on note qu’en dehors des frais de fonctionnement le budget que Fédasil utilise directement pour le projet d’intégration représente un peu plus de 23 millions d’euros en 2014 alors que 192,7 millions d’euros soit 68% du total est en réalité reversé à cet ensemble d’organisations qui complètent le travail de Fédasil. L’idée de déléguer les activités de l’organisation a des entités en place est logique mais la manière dont ces dernières sont peu reliées entre elles nuit à mon avis à l’efficacité du projet dans son ensemble. Ainsi dans notre quête à l’identification des organisations ,nous ne pouvions plus nous référer au projet politique présenté sur le site internet de Fédasil. Il fallait d’une part étendre les recherches par des sources informelles pour identifier les organisations qui, autres que les CPAS et les CRI, participaient au processus et d’autre part accepter d’élargir notre champ d’étude en terme de mission.

Ainsi cette enquête de terrain dans sa mise en place logistique nous a donné à observer les limites pratiques d’un projet politique neuf. La réalisation d’interviews par la suite nous permis d’obtenir une vision plus nette de la confrontation entre la vision pragmatique de ceux confrontés à l’existence politique du projet. Ces agents sont les plus à même de bien comprendre et identifier les tensions entre la théorie institutionnelle et la réalité de la pratique.

Mathilde Vougny


 

[1] Site officiel de Fédasil, contenu des activités: http://fedasil.be/fr/content/la-reinstallation

[2] Site officiel de Fédasil, budget annuel: http://fedasil.be/fr/content/budget.