Rôles, acteurs et défis à la Grande-Synthe

Après deux heures de route en provenance de Bruxelles, nous nous retrouvons à Grande-Synthe, commune française du Nord-Pas-De-Calais, à proximité de Dunkerque. Nous sommes là pour voir de nos propres yeux le premier camp humanitaire aux normes internationales de France. Le camp se situe aux abords d’une autoroute qui conduit à Calais, d’où les réfugiés espèrent rejoindre l’Angleterre.

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Le nouveau camp de la Linière. Photo prise par Giuliana Gliottone

Pendant l’été 2015, suite à un afflux massif de réfugiés en provenance de Syrie et d’Irak, le petit camp du « Basroch », situé dans un bosquet non loin du centre-ville de Dunkerque, et à proximité d’habitations, s’est très rapidement transformé en ce que les médias ont appelé « la Jungle de Dunkerque ». Très vite, la population du camp a crû de manière exponentielle : de quelque 200 individus à l’été 2015 à près de 3.000 individus à l’hiver 2015, vivant dans des conditions sanitaires déplorables (boue, humidité, froid, maladies). Mais, suite à la médiatisation de la problématique, et aux efforts conjoints des associations et des autorités publiques locales, le projet du camp humanitaire de « la Linière » a pu voir le jour. L’ONG internationale Médecins Sans Frontières a été désignée pour le financement et la construction du nouveau camp. En un temps record, des centaines de cabanons en bois, chauffés, destinés à accueillir les milliers de réfugiés, ont été construits. On y retrouve également douches, toilettes, restauration, soins médicaux, écoles, ateliers d’apprentissage des langues, chaque tâche étant assurée par une association différente, composée essentiellement de bénévoles. La Mairie de Grande-Synthe y a également joué un rôle décisif, mettant un point d’honneur à améliorer les conditions de vie des réfugiés et fournissant une structure de dialogue avec les différentes associations travaillant sur le terrain. De plus, c’est elle-même qui a accordé l’utilisation du terrain où se trouve désormais le camp, et où quelques 1.500 personnes sont hébergées dans des conditions de vie que l’on peut qualifier de dignes.

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Enfant qui joue sur le camp de la Linière. Photo prise par Chloé Sapena

C’est donc sur ce terrain bien particulier que nous avons choisi de mener notre enquête. Nous nous sommes intéressés plus spécifiquement aux relations entre les différentes associations et ONG, et entre ces dernières et les autorités publiques, afin de tenter de comprendre les rapports de forces qui opèrent entre ces différents types d’acteurs, dans le cadre de la problématique qui nous intéresse. Notre but était de comprendre comment ces relations se déroulent dans le cadre de la construction du nouveau camp. Pour ce faire, nous avons donc organisé notre travail en optant pour la méthode des « entretiens semi-directifs », que nous avons menés auprès d’une dizaine d’acteurs concernés. Nous nous sommes rendus à deux reprises sur le camp, et nous avons pu nous entretenir avec les représentants de plusieurs associations telles que Emmaüs, ADRA, SALAM, Carrefour des Solidarités, Rastplatz, Edlumino et Humansnations. Parallèlement, nous nous sommes également entretenus avec divers représentants des autorités publiques, parmi lesquels nous pouvons citer Damien Carême, actuel Maire EELV de Grande-Synthe, et la sous-préfecture de Dunkerque. 

Notre enquête nous a permis de mettre au jour un tissu associatif vivant, et en constante interaction, où chaque association a pu trouver sa place dans la gestion quotidienne du nouveau camp, malgré l’existence de certaines tensions. Leur action tout entière est animée par la volonté de faire de l’humanitaire et par la préoccupation quant aux conditions de vie des milliers de réfugiés présents dans la région. A ce titre, le Maire et l’association Carrefour des Solidarités peuvent être considérés comme des acteurs centraux de notre problématique, car ils ont mis en place une structure de dialogue constant entre les multiples organisations évoluant sur le camp. A cela, il est important de mettre en avant le rôle décisif du Maire de Grande-Synthe, poussé par son idéal humanitaire, et qui, de par son action et son courage politiques, a pu faire pression sur l’Etat français afin que le nouveau camp puisse voir le jour. En conclusion, la proximité entre d’une part, le tissu associatif, et d’autre part, le Maire de Grande-Synthe, est un facteur décisif qui a rendu possible l’établissement de ce qui est aujourd’hui le premier camp humanitaire aux normes internationales de France.

Flavie Derick, Giuliana Gliottone, Nicolas Klein, Mathieu Saïfi,  Chloé Sapéna et Marella Tassini