L’enquête de terrain est un exercice auquel je n’étais pas habitué, mais qui m’a permis de voir l’envers du décor, de comprendre certaines facettes de cette problématique que je ne soupçonnais même pas. Comme beaucoup, me retrouver face à une nouvelle expérience ne me rassurait pas, mais une fois en contact avec la réalité du terrain l’appréhension a vite fait place à une grande motivation.
Durant les différents entretiens, plusieurs choses m’ont étonné, mais un aspect particulier a retenu mon attention : l’absence d’une cellule psychologique systématique dans les écoles. Certains établissements semblent manquer de ce genre de structures alors qu’elles pourraient grandement aider et faciliter l’apprentissage et l’intégration. En effet, certains élèves provenant par exemple de pays en guerre ont eu un parcours difficile, ont vécu, vu, subi des choses que personne ne devrait vivre, surtout pas des enfants ou des jeunes adolescents. Inutile de faire l’inventaire de ces choses pour comprendre que le mal-être de certains peut leur bloquer bien des portes, que ce soit dans leurs phases d’apprentissage ou dans leurs relations avec les autres.
Bien entendu, certaines solutions existent : le PMS est disponible dans chaque école et les personnes qui y travaillent sont toutes disposées à offrir leurs compétences pour aider ces jeunes gens. Le problème est que cette aide n’est pas automatique, et bien souvent insuffisante. La barrière de la langue est un obstacle de poids, requérant un traducteur qui n’est pas toujours disponible et qui ne facilite pas la confidence. Parler de problèmes intimes ou d’expériences traumatisantes n’est pas aisé lorsque l’on est entouré de plusieurs personnes inconnues qui risquent de ne pas saisir les nuances.
Pour pallier ce problème, beaucoup d’écoles mettent en contact les élèves avec des structures externes, comme par exemple des ASBL. Bien qu’offrant une aide inestimable, cette démarche ne reste que trop rare et dépend toujours de volontés individuelles. Ces expériences restent beaucoup trop différentes d’une école à l’autre, une harmonisation de ces procédés pourrait permettre des résultats beaucoup plus probants. Cela pourrait, par exemple, aider les enseignants à comprendre et à aider au mieux des jeunes gens dont le comportement ne peut pas être compris sans avoir une idée de ce qu’ils ont vécu. Voici un extrait d’un entretien que nous avons eu avec un enseignant d’une classe DASPA et qui illustre assez bien l’intérêt de connaître le passé de certains élèves : « L’exemple d’une jeune fille qui a vu sa meilleure amie se faire violer, elle a difficile et ne comprend pas ce qu’est l’autorité. Elle demande pourquoi elle est à l’école. Parfois, elle réagit très violemment mais lorsque l’on sait le passé qu’elle a eu, on comprend. Elle n’a connu que la violence donc elle va répondre par la violence. »
Grégoire Dromelet