S’engager et sauter le pas du bénévolat, ou pas ?

S’engager avec « Sois mon ami », sauter le pas du bénévolat ou pas ? Pour répondre à cette thématique, j’ai choisi de m’appuyer principalement sur l’un de mes entretiens les plus marquants, réalisé avec Mathilde*, qui est engagée dans un tandem.  Ce choix s’explique en partie par les grandes similitudes de nos situations (âge et niveau socio-culturel similaires), ce qui a provoqué de ma part une certaine empathie. Toutefois, ce phénomène a été également stimulé par un des thèmes récurrents de l’entretien : la difficulté de sauter le pas de l’engagement.

Par certains aspects, Mathilde présente les caractéristiques principales des bénévoles telles que celles décrites par le rapport du Centre d’action bénévole d’Ottawa-Carleton : elle s’est investie suite aux conseils de sa famille; elle a un bon bagage éducationnel; et elle a réussi à convaincre une de ses collègues à se joindre au programme.

Les données ci-dessus soulignent l’influence de l’entourage dans l’engagement d’une personne. Toutefois, un choc (bien souvent par le biais des médias) pourrait également pousser au bénévolat Ainsi, Mathilde rapporte que l’implication de la gérante du programme fut provoquée par la vue de la photographie du corps du petit Aylan échoué sur une plage de Turquie en septembre 2015. Partant de ce cas, l’engagement (et donc le fait de sauter le pas) dans le bénévolat ne serait pas intrinsèquement naturel, mais se déclencherait par une provocation ressentie en soi, soutenue par l’environnement.

Il est vrai que les raisons pour ne pas s’investir dans une action caritative sont nombreuses : l’absence de temps, le fait de ne pas savoir dans quelle organisation s’investir du fait de la multiplicité de celles-ci et de leur manque de transparence, etc…Néanmoins, à plusieurs reprises, Mathilde a douté pour une autre raison : la peur de l’inconnu. Elle nous fait part de son angoisse de ne pas s‘intégrer au groupe de bénévoles et aux actions spécifiquement liées à ce programme. Comment réagir face à des personnes qui ont enduré de telles épreuves ? Quelles réactions adopter face à eux ? Cependant, grâce à la bienveillance de la gérante du programme, elle a réussi à surmonter ses appréhensions et s’investit désormais dans le programme.

Partant de ces faits, on pourrait alors supposer que Mathilde est désormais une bénévole à part entière. Néanmoins, Mathilde que la collègue qu’elle a recrutée rejettent cette étiquette de « bénévoles » en soulignant que leur implication n’est pas assez considérable, ce qui, pour elles, les excluent de cette catégorie de personnes.

En outre, Mathilde estime qu’elle ne peut se considérer comme bénévole car cela irait à l’encontre de l’objectif premier de cette initiative citoyenne : éviter les relations de type « aidant-aidé ». Le mot de bénévole prendrait alors une connotation quelque peu « misérabiliste » (terme souvent utilisé lors de l’entretien), à l’opposé des valeurs de ce projet. Peut-on alors parler de « sauter le cap du bénévolat » si on ne se reconnait pas en tant que bénévole ? S’engager dans ce programme serait donc équivalent à participer à une « table de langues » ou à un échange culturel ?

Toutefois, les deux jeunes femmes font une différence entre leur engagement dans l’organisation et leur participation précédente à des activités collectives : associations étudiantes, par exemple. Elles n’ont pas eu besoin d’être stimulées pour adhérer à des collectifs étudiants car socialement reconnus comme une appartenance à un corps social. A l’inverse, le bénévolat est parfois vu comme une étape individuelle dans une vie (un engagement en entraine souvent un autre) pouvant avoir des répercussions sur la vie quotidienne (nouvelles contraintes dans l’emploi du temps, réactions négatives de l’entourage. Ce discours suggère que si elles ne veulent pas se reconnaître en tant que bénévoles, elles donnent à cet engagement d’autres objectifs que ceux donnés à leurs autres actions précédentes.

Nous pourrons dire que cet engagement, même s’il ne répond pas complétement à une logique purement caritative, représente bien un « saut dans le monde du bénévolat ». Même si cette action a pu être facilitée par le caractère non-contraignant de leurs missions, elles ont néanmoins accepté de prendre part à ce programme et de ce fait, se sont plongées dans le mouvement d’accueil aux réfugiés. Par leur participation, elles se situent bien dans le bénévolat, même si elles ne le revendiquent pas.

* Prénoms changés pour conserver l’anonymat

Léa Cavignaux

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