« Intégration » ou « adaptation » ?

« Est-ce que vous avez prévu des mesures particulières si certains de vos élèves migrants ne sont pas bien intégrés ? » Telle est notre question, une question banale qui a pourtant suscité de fortes réactions chez les quatre instituteurs pendant notre focus-groupe dans une école à Bruxelles. Pour eux, le mot « intégration » est incorrect, parce que leur objectif est plutôt « l’adaptation » des élèves.

Selon l’un de nos interlocuteurs, lui-même d’origine marocaine, être « intégré », c’est devenir belge en se détachant complètement de sa culture d’origine et des valeurs de ses parents. Pour lui, l’utilisation du mot « intégration » n’est pas seulement inappropriée, elle est aussi utopique : les élèves suivant le programme DASPA sont pour la majorité des réfugiés de guerre ou migrants économiques venant des pays non-européens, comme la Syrie ou l’Afghanistan. Selon lui, chaque pays a ses racines culturelles et il est quasi inimaginable d’obliger une personne issue d’une autre civilisation de rejeter sa propre identité et de devenir entièrement belge. « Il est difficile pour un Chinois ou un Africain d’être bien intégré à la société belge parce que le parcours historique et la culture de leurs pays d’origine sont très différents. Pour moi, l’intégration est possible seulement pour des personnes originaires d’autres pays européens parce qu’il y a moins de différence. » ajoute cet instituteur. Il a aussi pris son propre exemple en mettant l’accent sur le fait qu’il se sent belge quand il est en Belgique, et marocain quand ils se trouve au Maroc.

D’après les instituteurs, « l’adaptation », en revanche, permet aux enfants migrants de vivre en harmonie avec les autres dans leur pays d’accueil tout en affirmant leur identité culturelle d’origine. Si un enfant a plus de mal à s’adapter aux modes de vie locale que ses camarades, il peut bénéficier des aides PMS (Psycho-Médico-Sociaux). En tout cas, pour nos instituteurs, « l’adaptation » semble plus réelle que « l’intégration », un mot qui n’a jamais traversé leur esprit.

A première vue, ces instituteurs ont une vision pessimiste, suggérant l’infaisabilité d’intégrer des enfants migrants non-européens. Mais en réalité, ils ont tout simplement l’intention d’apprendre aux enfants qu’ils peuvent être membres de la société belge sans oublier la richesse de leurs propre héritage. Le mot « intégration » ne signifie pas forcément l’abandon total des racines d’une personne, mais dans la pratique, les habitants issus d’un pays d’accueil peuvent facilement avoir l’impression que les migrants sont mal intégrés alors que la réalité est que ces derniers ne se comportent pas tout à fait comme eux. Dans le cas belge, il faut peut-être briser le tabou et accueillir ces migrants en reconnaissant les différences qui existent ? Ce qui est important n’est pas le choix entre le terme « intégration » et « adaptation », mais notre volonté d’accueil.

LIU Jun

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