Passer les frontières et demander l’asile : un droit universel

Vendredi dernier, dans le cadre de notre enquête, j’ai rencontré Marie-Hélène, 43 ans, juriste et mère, qui a accueilli deux réfugiés pour une nuit. Au cours de notre discussion, elle m’explique qu’une de ses chambres est réservée pour AirBnB, qu’elle aime accueillir des gens d’horizons différents, qu’elle-même a beaucoup voyagé. Elle trouvait ça normal qu’une personne veuille quitter son pays d’origine pour s’installer dans des contrées lointaines, et parlait de son refus d’une « Europe forteresse ».

Je me suis alors rendue compte du nombre important de gens que je connaissais et qui avaient voyagé, s’étaient installés hors de l’Europe pour 6 mois, 1 an, une vie. Comme me le disait Marie-Hélène, ça semble normal de pouvoir voyager.

Et pour cause, La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme spécifie notamment, dans les articles 13 à 15, que tout personne a le droit de circuler librement, de quitter tout pays, de bénéficier de l’asile en d’autres pays si elle est persécutée mais surtout, personne ne peut être privé de son droit à changer de nationalité.

Si les Droits de l’Homme ont été adoptés par les Nations-Unies, c’est pour éviter qu’ils soient bafoués, sous aucun prétexte, pour prévenir les horreurs que l’histoire nous a déjà montrées.

Je remercie les personnes que j’ai interviewé pour m’avoir montré cette facette empathique de l’humain, cette ouverture à l’Autre malgré les appréhensions. Mais ces belles rencontres ne font que mettre en exergue la colère que je ressens envers tous ceux qui renient ces droits universels lorsqu’ils les dérangent, qui n’en font référence que lorsque cela les arrangent, qu’ils soient politiciens ou simple citoyen. Ces droits ne sont pas à prendre à la légère, ils représentent nos libertés à tous. Que ferions-nous dans notre si belle Europe si nous en étions privés ?

Nous désirerions que d’autres se lèvent pour les défendre.

eleanor

Eleanor Roosevelt avec la Déclaration des Droits de l’Homme en français. Origine: https://flic.kr/p/bNj1sP 

Laëtitia Coucke

 

I found humanity in the people

I’ll start by admitting that this course represents something very new for me as I’ve been used to different kind of courses which have very few to do with research issues.

Anyway, I found this work extremely interesting as I learnt to face something which might be unknown and hard at a first sight. Another important thing that this research has given me is the opportunity to work in a team: I’ve never been very good in group working, but this time I actually have to affirm that I’ve been very lucky because I found persons which are very patient and calm.

What this work is giving to me is maybe more than a deeper academic background about the research methods or about a given topic to analyze, but the chance to meet people that I would have never met in other ways. The first are my group mates: as I’m Italian, since I arrived I’ve been staying too much time with people coming from my country; this course has been a great opportunity for me to deepen my relations with locals.

In other words, what I’d like to highlight is the importance of the human aspect that grew during this course: I had the chance to analyze a topic which is extremely timely and also to meet persons who devoted their entire lives to other human beings, without giving anything in change but love.

I therefore discovered that an institution such as our university can give much more than an academic training or mere education, it yields us humanity.

While interviewing an activist with Ines, I looked at him in the eyes and I perceived a sincere feeling, I felt the passion that he has towards something in which he believes, and I had the same perception when I heard these words coming out his mouth “I love what I do”.

Meeting people who are in love with what they do gives me hope and makes me believe that good persons exist and are around us, the point is to find them, and thanks to this work I had the chance to meet some of them.

Alberto Pagani

Les demandeurs d’asile en Belgique : quelques chiffres

Le Commissariat Général aux Réfugiés et aux Apatrides (CGRA) publie chaque mois les chiffres relatifs aux demandeurs d’asile en Belgique et fait état de leur évolution. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Il est constaté que pour le mois de mars 2016, l’Office des Etrangers a enregistré 1 374 demandeurs d’asile en Belgique, soit une baisse de 9,8 % par rapport au mois précédent qui en comptait 1 523. Cela représente l’équivalence d’environ un quart du nombre mensuel de personnes qui ont introduit une demande d’asile durant la période d’affluence d’août à décembre 2015 (5 885). Cette baisse des enregistrements réapparaît plus fortement lorsque l’on prend les chiffres de l’année précédente pour le même mois : 1 755 demandeurs d’asile enregistrés en mars 2015, à savoir une diminution de 21,7 % comparé aux demandes de mars 2016.

Parmi toutes ces demandes d’asile, il est relevé un nombre plus conséquent de personnes de sexe masculin, y compris les enfants, que de personnes de sexe féminin ayant introduit une demande d’asile en Belgique en mars 2016. En effet, 70,7 % pour les premières contre 29,3 % pour les secondes. Quant aux mineurs (autoproclamés) non accompagnés par un parent, il en est apparu 127 pour le mois de mars 2016 qui ont introduit une demande d’asile en Belgique, soit une légère baisse par rapport au nombre relevé durant la période d’août à décembre 2015 (511 en moyenne chaque mois).

Toujours pour le mois de mars 2016, l’Afghanistan, la Syrie et l’Iraq représentent un tiers du total des demandes d’asile introduites alors que durant l’ensemble de l’année 2015, ces trois pays représentaient près de deux tiers de l’ensemble des demandes d’asile introduites en Belgique. Plus précisément, les personnes originaires d’Afghanistan sont les plus nombreux demandeurs d’asile en Belgique avec 259 demandes, soit 18,9 % du total. Suivent ensuite la Syrie (123 demandes, soit 9 %) et l’Iraq (82 demandes, soit 6 %).

Pour finir, au mois de mars 2016, la proportion de personnes à qui le CGRA a accordé le statut de réfugié (46,6 %) ou le statut de protection subsidiaire (15,6 %) par rapport au nombre total de personne qui ont fait l’objet d’une décision finale est de 62,2 %. Il s’agit de 1 165 décisions concernant 1 502 personnes. La tendance de 2015 se confirme dès lors : pour 6 décisions sur 10, le CGRA a accordé un statut d’asile l’année dernière.

Carline Martinez

Source : http://www.cgra.be/fr/actualite/les-statistiques-dasile-du-mois-de-mars-2016

Un Ulysse irakien ? Odyssées orientales

Bayt al Hikma. Ou maison de la sagesse. C’est comme cela que l’on appelle la bibliothèque de Bagdad qui existait au début du 9e siècle, et que l’on peut considérer comme la deuxième école de traduction au monde. Sans doute ce haut lieu de la culture est-il ancré dans l’esprit du peuple irakien. Car en une matinée d’avril, je rencontre cet homme irakien qui me parle de son épopée, de son pays d’origine vers son pays d’adoption. A. m’explique que son pays a environ 80UFB00 ans d’histoire, que son peuple est très attaché à l’éducation. Puis il témoigne qu’en Irak, les bombes tombent un peu comme la pluie. Selon lui, il ne se passe pas un jour sans qu’une explosion ne vienne entacher le paysage. Et pourtant, il me décrit une photo. Une photo qui l’a marqué et qui témoigne de la volonté de ses concitoyens à défier la guerre. La défier par l’éducation. C’est une mère qui accompagne son fils sur le chemin de l’école, et à côté une bombe qui explose. École et bombe dans une même phrase, écolier et explosion sur une même photo. C’est une situation absurde, mais une situation réelle. Un événement presque aussi banal qu’une averse, simple aléa climatique duquel on peut se réfugier sous un toit. Sauf que cette fois, un toit ne suffit pas, et l’aléa peut s’avérer fatal.

C’est malheureusement pour cette raison qu’en 2016 en Europe, les jeunes utilisent l’expression consacrée « c’est Bagdad» pour décrire l’état chaotique de leur chambre. Ils le disent avec une touche d’ironie et un brin d’innocence. Ils le disent avec légèreté, sans mesurer ce que cela signifie. Ils font rimer plus ou moins inconsciemment l’ancienne capitale de l’empire abbasside avec chaos et destruction. Ce faisant, ils oublient ou ignorent l’histoire multimillénaire de cette contrée du Proche-Orient. Il y a effectivement beaucoup d’a priori sur cette région du monde. C’est parce que la grande majorité des informations que nous avons au quotidien concerne la guerre. Et à juste titre d’ailleurs. Mais ainsi, nous ne percevons que sa situation actuelle. Et quand nous la voyons, ce n’est généralement pas à des millénaires de culture que nous pensons. Et c’est un peu ça le problème. La guerre, beaucoup d’Irakiens la fuient, mais en même temps, ils la ramènent avec eux. Malgré eux, elle les poursuit jusqu’ici. Aux yeux de nous Occidentaux, ils en sont devenu le symbole. Quand on les regarde, des images de régions grises et dévastées nous viennent à l’esprit. Mais c’est peut-être ce regard qu’il faut changer. D’un côté, faisons notre possible pour prendre la mesure de ce qu’ils ont vécu ; mais d’un autre, rendons-nous compte qu’à l’origine, leur pays ne se résume pas à cette tragédie. Tout comme le savoir de l’empire byzantin et de l’École de Bagdad a été ramené en Europe par la conquête arabe au 12e siècle, ils viennent peut-être à leur tour contribuer à la culture sur notre continent, même si c’est pour d’autres raisons. Cette fois ils ne viennent pas en conquérants, ni même ne reviennent en vainqueurs. Contrairement à Ulysse, ils ne viennent pas pour retrouver leur pays d’origine, mais viennent à la recherche d’un pays d’adoption.

A. me répète trois mots qui résonnent encore dans ma tête : « pas le choix ». C’était rester là-bas ou venir ici, la mort, ou la vie. Il a choisi la vie. D’ailleurs quand on y pense, pourquoi cet acte de résistance serait-il moins héroïque que celui du héros d’Homère? Pourquoi finalement ce ne serait pas lui le héros, celui qui traverse des milliers de kilomètres, non pas pour retrouver les siens comme jadis Ulysse, mais pour sauver sa vie et celle de sa famille, en s’installant sur des terres lointaines et inconnues? Le héros des temps modernes, c’est peut-être celui qui n’a pas le choix.

Charlotte UHER

Bibliographie

BALLARD (M.)

2013

Histoire de la traduction: repères historiques et culturels. Traducto. Bruxelles: De Boeck.
HOMÈRE

1988

L’odyssée. Paris: L’école des loisirs.
SCHMITT (E-E.)

2010

Ulysse from Bagdad. Le Livre de poche 31897. Paris: Michel. S.d.

 

Parcours d’ancien réfugié : la difficile adaptation à une nouvelle vie

« Quitter son pays, c’est tout plaquer. On ne sait pas pour combien de temps on part ou même si on y reviendra un jour », me dit très lucidement un travailleur de Convivial d’origine rwandaise.

Cet homme a quitté son pays à cause du génocide et vit depuis plus d’une dizaine d’années en Belgique. La société belge ne peut que se féliciter de success stories telles que la sienne : un immigré qui ne vit pas de subsides publics et qui a trouvé du travail ainsi qu’un logement. Elle ne peut qu’applaudir. Toutefois, derrière cette belle histoire se cachent de nombreux sacrifices et difficultés. En effet, immigrer dans un pays et y commencer une nouvelle vie a aussi un prix : le demandeur d’asile doit faire l’impasse sur sa culture et ses traditions, faire abstraction du passé et s’adapter aux nouvelles valeurs de son pays d’accueil. Une étape bien plus rwandan-refugeedifficile qu’il n’y parait…

Ainsi, il m’explique, un sourire au coin des lèvres, qu’il ne savait pas comment cuisiner avant de venir. Au Rwanda, il occupait un poste au tribunal de la justice ; il faisait donc partie de la classe supérieure et avait des domestiques pour s’occuper des tâches ménagères. À son arrivée en Belgique, tout a été différent. Ce fait presque anodin reflète pourtant un problème bien plus grave. En effet, les personnes immigrées hautement qualifiées comme les médecins, vétérinaires, avocats ou ingénieurs doivent accepter ici des postes bien moins prestigieux (cueilleur de tomates, chauffeur de voitures, etc.) faute d’équivalence de diplômes. L’intégration par le travail n’est donc pas toujours chose aisée, et prend du temps et de la patience.

Quelques semaines plus tard, je rencontre un autre travailleur rwandais chez Convivial. Il me raconte une anecdote tout à fait étonnante. Pendant ses cours d’intégration, des étudiants sont venus lui parler de la cohabitation. Cette notion lui était complètement étrangère. Il m’a d’ailleurs avoué que cela n’existait pas dans son pays et que les gens qui agiraient de la sorte seraient pointés du doigt. Sur sa lancée, il me confie qu’au début, il ne savait pas comment commander aux restaurants. Tous ces nouveaux noms de plats étaient difficiles à prononcer voire mémoriser. Par conséquent, il restait chez lui et mangeait ce qu’il connaissait.

Si l’on y ajoute un zeste de difficulté de compréhension de la langue, une poignée de préjugés et une pincée d’appréhension, voire de regrets, le cocktail risque de devenir dur à avaler pour certains d’entre eux. Cela dit, ils vous diront tous qu’ils ont trouvé la recette du bonheur en Belgique.

Floriane Rocrelle

Bibliographie : France-Info, « UNHCR ACCUSED OF ABANDONING RWANDAN REFUGEES », 20 janiver 2012, https://www.google.be/search?q=google+image&biw=1600&bih=799&source=lnms&tbm=isch&sa=X&ved=0ahUKEwiE9Z_rgaDMAhUKORQKHUYUCtQQ_AUIBigB#tbm=isch&q=rwandan+refugees&imgrc=9o6RoGak-_j7cM%3A

Le réseau des sans-papiers en Belgique

Dire que la situation des sans-papiers en Belgique est précaire semble être un pléonasme dans notre société actuelle. Néanmoins, c’est dans ce genre d’environnement inconfortable que la notion de « solidarité » brille dans l’obscurité comme une lueur d’espoir. L’initiative de cette solidarité peut être de nature égoïste car être seul dans ce milieu, c’est se marginaliser des exclus de la société. La solidarité est une forme de compassion, qui atténue le sentiment de solitude et renforce alors le sentiment d’unité, d’appartenance à un groupe. Elle semble être nécessaire pour le bien de chacun et pour le groupe.

Concernant le réseau mis en place, il est important de préciser que la majorité des groupes de sans-papiers qui composent ce réseau n’est pas issue de ce qu’appellent les médias « la crise migratoire ». En effet, ce réseau de sans-papiers a été mis en place par des personnes qui sont sur le territoire depuis une plus longue période. Cependant, ce réseau profite aux nouveaux arrivants. Ainsi, nous pouvons essayer d’expliquer le faible nombre de Syriens au sein de ce réseau par le fait que les Syriens sont plus souvent dans la position d’un migrant en situation régulière que celle d’un migrant en situation irrégulière. Comme on peut le voir sur ces chiffres du CGRA (Commissariat général des réfugiés et des apatrides) en 2015, le plus grand nombre de reconnaissances du statut de protection concerne les Syriens.

tableau 1

Néanmoins ces chiffres sont à relativiser puisqu’il y a eu plus de 35 000 demandes d’asiles en 2015.

top 10 demandeur d'asile[1]

Le réseau des sans-papiers en Belgique : des acteurs multiples et variés

  • La Coordination des sans-papiers:

Un groupe de personnes s’occupe de faire le lien entre tous les mouvements des sans-papiers et les différents collectifs. Cette forme de solidarité permet d’éviter toute forme d’action indépendante isolée et favorise alors la coordination de toutes les actions des groupes de sans-papiers en Belgique.

coordinationsanspapiersbruxelles@riseup.net

http://www.sanspapiers.be

https://www.facebook.com/Coordination-des-sans-papiers-de-Belgique-1667773550117390/

  • Le Collectif voix des sans-papiers:

Il s’agit d’un groupe d’environ 260 sans-papiers d’une douzaine de nationalités différentes. Leur squat est situé au Boulevard Léopold II à Bruxelles. Cet endroit est une ancienne maison de retraite qui est occupée par le groupe de sans-papiers depuis juillet 2014.

  • La Maison des Migrants:

La Maison des Migrants est un squat de sans-papiers situé à la place Stéphanie à Bruxelles. Géré par des anciens membres du parc Maximilien, cette initiative est récente puisqu’elle date d’environ six à sept mois. Cet endroit n’est pas qu’un squat de demandeurs d’asile et de familles de sans-papiers en difficulté, il s’agit également d’un endroit où ont lieu de nombreuses activités ouvertes au public (Orientation socio-juridique, Tables rondes, atelier théâtre, débats, projections, Cours de français/néerlandais/anglais/arabe…).

http://lamaisondesmigrants.org/

https://www.facebook.com/maisondesmigrants

  • Collectif d’Afghans;

Ce collectif de sans-papiers a mené plusieurs actions comme les marches vers Gand et Mons en décembre 2013 ou encore l’installation de plus de 500 Afghans dans l’église du béguinage en 2013.

www.facebook.com/afghancomite.belgium

  • Collectif Ebola;

Ce collectif est composé d’une centaine de ressortissants des pays qui ont été touchés par Ebola (Libéria, Guinée, Sierra Leone). Depuis Janvier 2015, leur squat est situé à la place Quetelet dans la commune de Saint-Josse.

Recup.collectactif@gmail.com

www.facebook.com/groups/320974288102155/

  • Collectif Mobilisation Groupe 2009:

Mobilisation Groupe 2009 est un groupe de personnes avec et sans papiers issu de la vague de régularisation de 2009. Certaines de ces personnes sont encore aujourd’hui dans l’attente d’une réponse à leurs demandes de régularisation introduites en 2009.

www.faceboook.com/mobilisationgroupe2009

  • Latinosxregularisation:

C’est un comité composé de plusieurs personnes qui sont nées dans différents pays de l’Amérique latine.

www.facebook.com/groups/1534960846772450/

  • Le comité des travailleurs avec et sans-papiers:

Ce comité est chargé de la défense et de l’organisation des travailleurs/ses migrants avec ou sans-papiers.

https://bruxelles-hal-vilvoorde.csc-en-ligne.be/csc-en-ligne/impliquer/bxl/groupes-spec/Migrants/TSP-CSC.html

  • La voix des sans-papiers de Liège:

Ce groupe de sans-papiers occupe un ancien centre de consultation ONE de la Résidence Fraternité. Il est situé sur l’Avenue des Ploktrèsses à Sclessin.

https://www.facebook.com/vsliege

PAYET Jérémy

[1] Commissariat Général aux Réfugiés et aux Apatrides, Statistiques d’asile, Rapport mensuel, Décembre 2015, Date de publication : 7 janvier 2016, Contact : Damien Dermaux

DAPSA : réseau officiel vs. réseau libre confessionnel

En Belgique, deux réseaux d’enseignement occupent le terrain. Ils sont le résultat de la longue « guerre scolaire » qui a traversé le pays. Le « pacte scolaire » qui en a résulté en 1959 établit encore le paysage de l’enseignement aujourd’hui. Dans chaque commune se trouve donc au moins une école pour chacun des deux réseaux d’enseignement. La population a ainsi le choix entre les écoles dites « officielles » et les écoles catholiques (ou autre !), correspondant à ce que l’on appelle l’enseignement « libre confessionnel ».

Alors, cette caractéristique belgo-belge entre-t-elle en compte dans la mise en place du DASPA ? Pas spécialement. Pour mettre en place une classe DASPA, il faut en faire la demande auprès du Ministère ; que l’école pose sa candidature. En pratique, à Bruxelles, les autorités veillent à ce que l’équilibre soit respecté au mieux dans l’attribution. Le compromis à la belge est donc toujours d’actualité. En Wallonie, les conditions sont un petit peu différentes, comme nous avons pu le voir dans un autre billet.

En revanche, la dimension idéologique (et le clivage « catholique/laïc » qui pourrait en découler) ne semble pas prépondérante dans la décision d’accueillir des élèves primo-arrivants. Il y a bien une école catholique où la direction a justifié sa candidature par la dimension « lassalienne » (ndlr : dérivé de Saint Jean-Baptiste de La Salle, saint patron des enseignants) qui animait sa politique. C’était dans « une réelle volonté d’accueillir tout le monde », nous dit-on. Mais si cette volonté d’accueil universel nous a plusieurs fois été donnée en argument par le personnel d’établissements catholiques, celle-ci ne s’est vue justifiée qu’une seule fois par l’argument religieux.
A l’Institut de la Providence d’Anderlecht, on y trouve une explication beaucoup plus pragmatique. « C’est historique », m’explique le coordinateur DASPA. « Ce sont des écoles qui avaient depuis toujours un public étranger très fort. Ici dans l’école, il y a toujours eu des classes de français intensif, même s’il n’y avait pas de loi DASPA ou ‘passerelles’. C’était la même chose, mais ça ne s’appelait pas pareil, parce qu’on était dans les années 80 et que dans le quartier de la gare du midi, il y a toujours eu beaucoup d’Espagnols, et puis de Portugais, et puis de Marocains ». La candidature de ces écoles reflète donc davantage une volonté de poursuivre sur cette voie car elles bénéficient d’une expérience dans l’enseignement du ‘FLE’ (ndlr : Français Langue Etrangère). C’est la suite logique pour perpétrer ce qui se fait depuis longtemps.

Quid du cours de religion ? Dans l’enseignement officiel, le choix est laissé à l’élève de suivre un cours de religion ou de morale non confessionnelle (ou encore un cours de « rien », diraient certains aujourd’hui). Dans l’enseignement catholique, le programme compte bien évidemment un cours de religion … catholique. Une grande partie des élèves primo-arrivants est pourtant musulmane. Cela pose-t-il un problème ? « Non », me répond le coordinateur d’une école catholique. « A l’inscription, on les prévient ». Il me confie ensuite que le programme de religion n’est pas vraiment appliqué en DASPA. « Concrètement, ça nous sert plutôt à faire deux heure de français supplémentaires … ». L’accent est surtout mis sur les aspects culturels comme Pâques ou Noël. Le cours se concentre sur une analyse comparée des différentes religions pour favoriser l’ouverture d’esprit et la connaissance de l’autre, dans un objectif de vivre-ensemble. « Jamais on n’a sorti une Bible ou quelque chose comme ça », conclut-il.

La présence et l’opposition supposée des deux réseaux d’enseignement semblent donc davantage être un vieux vestige des batailles idéologiques de « la Belgique de papa », et leurs représentants respectifs actuels ont le bon goût de ne pas faire de l’accueil primo-arrivant, déjà difficile, un nouveau casus belli ou faire-valoir.

Michaël Boumal

La Belgique, mauvaise élève de l’UE en matière d’égalité face à l’embauche ?

unemploymentSaviez-vous que la Belgique est classée dans le top 3 des pays de l’UE où la discrimination face à l’embauche est la plus importante? Des études menées par le monitoring socio-économique belge, Eurostat, ou encore, le FRA (European union agency for fundamental rights) ont toutes tiré le même constat : les Belges sont davantage favorisés à l’embauche que les personnes issues des pays non-UE (notamment les maghrébins et les africains). En termes de chiffres : 75% des belges trouvent un emploi en Belgique, contre moins de 50% des personnes d’origine maghrébine, africaine ou provenant d’un autre pays hors de l’UE. Par ailleurs, la Belgique est le pays de l’UE où les écarts de revenus entre immigrés et non-immigrés sont les plus importants. Les causes sont multiples et parfois complexes. Certains déplorent la mauvaise qualité de l’enseignement auquel les personnes issues des pays non-UE ont le plus facilement accès. D’autres, les problèmes linguistiques, ainsi que la structure du marché de l’emploi en Belgique, réputée pour être très fermée aux personnes étrangères. Certes, il est intéressant de noter que depuis 2007, trois lois anti-discrimination sont entrées en vigueur pour interdire et punir la discrimination notamment dans le cadre de l’accès à l’emploi.

Face à ces constats, je me suis posé la question suivante : existe-il des associations ou organisations à Bruxelles qui œuvrent en faveur de l’intégration des étrangers dans le marché du travail?

La réponse est oui. En tant qu’élève-enquêteuse sur la crise des réfugiés, j’ai eu la chance d’entrer en contact avec quelques-unes de ces associations à Bruxelles. Ma première découverte a été le CIRE, une ASBL belge qui s’occupe depuis 60 ans des demandeurs d’asile, des réfugiés et des étrangers avec ou sans titre de séjour. Elle offre plusieurs services pour venir en aide aux plus vulnérables: des écoles de français, des structures d’accueil pour les demandeurs d’asile, des logements, ou encore, des équivalences de diplômes. Elle travaille également avec 24 associations qui sont membres du CIRE (citons par exemple, Amnesty international, convivial, caritas, médecins du monde, etc.) ce qui laisse voir l’ampleur du réseau. Pour en savoir plus, il est possible de consulter leur site web ici ! Toujours dans ma recherche d’associations actives dans ce domaine, j’ai découvert que Actiris proposait un plan « diversité » aux entreprises. Plus concrètement, sous l’impulsion de la région de Bruxelles-Capitale qui a mis en vigueur des ordonnances relatives à l’intégration en  2008, Actiris promotionne cette initiative à travers son plan diversité. Actuellement, on compte une petite cinquantaine d’entreprises belges qui aurait reçu le label diversité. Initiative intéressante ! Si vous voulez en savoir plus sur les résultats, vous trouverez des informations ici et ici aussi ! Finalement, de fil en aiguille, je suis tombée sur Duoforajob, association belge très récente (elle a été créée en 2012) qui s’occupe de l’insertion socio-professionnelle. Grâce à des binômes « senior-chercheur d’emploi » constitués pour une période de 6 mois, les personnes rencontrant des difficultés à trouver un emploi, à cause de leur origine ethnique ou de leur âge, sont encadrées et accompagnées. Bref, ce sont des experts dans les problématiques de l’intégration et des inégalités sociales !

Une chose est sûre, cette enquête m’a montré que la solidarité et l’entraide existent bel et bien en Belgique. Je ne peux que souhaiter que ces organisations continuent à gagner de l’influence dans la lutte contre la discrimination à l’emploi. Qui sait, la Belgique perdra peut-être son bonnet d’âne dans quelques années ?

Leonor de la Vega

La caserne d’accueil de la Croix-Rouge de Tournai : une « fabrique de lien » pour un monde meilleur

Je suis partie un jeudi rencontrer les bénévoles de la caserne d’accueil de la Croix-Rouge de Tournai. Je voulais m’intéresser à ce qui les motivaient personnellement à donner de leur temps, à passer des journées entières à « aider tout simplement ».

Je n’ai rencontré que des personnes ayant des valeurs fortes, tout en étant bien différentes. Chacun avait sa propre histoire et très peu avaient le même profil et les mêmes origines. Pourtant, tous voulaient se rendre utiles et être efficaces. Ils voulaient et veulent faire avancer les choses aujourd’hui et pour demain.

Après une heure, ma présence devenait presque normale dans la caserne. Je me sentais déjà proche de certaines personnes et à ma place entre les bénévoles et les résidents du centre. Je prenais du plaisir à rester et je n’ai plus vu le temps passer. Je me suis alors dit que ce n’était pas seulement une caserne d’accueil qui logeait temporairement 800 migrants. De la même manière que d’autres groupements associatifs, c’était une « fabrique de liens »[1]. C’était un lieu qui recrée des liens – qu’on a perdu – de proximité. C’est aussi un lieu de rencontre où les disciplines et les publics différents se croisent, dans un esprit de réel échange culturel, culinaire, musical et religieux. Les bénévoles m’ont aussi parlé d’une envie de casser les préjugés. Ils m’ont enfin évoqué le souci personnel « d’éviter de vivre dans la surconsommation ». De manière intuitive, en me parlant de leur engagement auprès des migrants, les bénévoles m’ont parlé d’une thématique encore plus grande. Celle de redéfinir le monde dans lequel nous vivons et de revoir notre façon d’exister par rapport aux choses.

Alors j’y ai vu, à l’instar de nombreux mouvements citoyens, nés en réaction à l’ultra-libéralisme, le besoin de ces personnes bénévoles de retrouver du sens et “d’agir” en « montrant que l’on peut vivre dans un monde meilleur si chacun y met du sien »

Selma Mitri

[1] La Tricoterie ASBL – Bruxelles, 2013 -2016 Copyright.

[2] M. LAURENT, et C. DION, Demain, 2015.

 

Cynisme et droit à vivre dans un pays « sûr »

On en parle dans l’actualité , dans le cadre de nos études , dans les conversations de tous les jours , « la crise des réfugiés ». Dès le départ, l’idée d’approcher de près et de pouvoir enquêter sur ce phénomène de manière concrète s’avérait passionnant, afin de tenter de comprendre les mécanismes, le parcours d’intégration, l’accueil reçue par les réfugiés dans nos pays .
Mon héritage familial fait que j’ai grandi avec des proches qui vivent dans un pays dont ils ne sont pas originaires. Il m’ont parlé de l’exil, de leur enfance, de leur pays, de leur culture qui leur manquait et de leur intégration ici. A travers ces récits personnel, j’ai eu l’occasion de deviner les difficultés pratiques propres à l’immigration, au delà des facteurs psychologiques.
Aujourd’hui, ma position d’étudiante me demande de porter un regard analytique sur le parcours de ces gens. Je dois me pencher sur les épreuves administratives qu’ils devront passer alors qu’ils fuient une guerre, quittent leurs proches, sont parfois seuls, ne parlent pas notre langue et ne connaissent pas nos codes. Quand on suit l’actualité au fil des jours et qu’on tombe sur les photos des naufragés en Méditerranée, on se demande avec ironie si ces drames ne suffisent pas comme épreuve pour avoir droit à vivre dans un « pays sûr ».
Le processus d’intégration est plus que jamais institutionnalisé et médiatisé. Les réfugiés doivent répondre à une liste de critères pour avoir droit à un permis de séjour qui leur permettrait de rester sur le territoire belge. Mais s’ils n’y répondent pas, ils devront quitter le territoire. Quelle est la réalité de ces gens? Au-delà des critères, quel est leur parcours de vie? Qu’ont-ils fui et comment ont-ils fait pour arriver en vie jusqu’ici?
Au fur et à mesure de mon enquête, avec de plus en plus de recul, le terme « parcours d’intégration » me parait assez cynique. C’est étrange de savoir que des gens fuient des pays en guerre et doivent faire tant de démarches pour avoir peut-être un jour la possibilité de « s’intégrer » dans un pays où eux et leurs familles ne risquent plus la mort. Le cynisme, c’est de demander à ces exilés de prouver qu’ils ont le droit de rester ici pour échapper à la mort.
Et puis au-delà des épreuves du parcours d’intégration – des épreuves institutionnelles -, il faudra qu’ils répondent à bon nombre d’autres épreuves, sociales cette fois: s’intégrer dans une société bercée par le discours de la “menace des réfugiés” et le “danger islamiste”.

Léa Emmanuel