Intégration et mes propres préjugés

Les modèles d’intégration suisse ou encore scandinaves étant souvent sous le feu des projecteurs, notre groupe a décidé de se pencher sur ce qui est organisé en Belgique. En effet, on en parle très peu, et ce n’est que récemment qu’un projet de parcours d’intégration a été mentionné dans les médias. L’une des membres du groupe étant assistante sociale dans un CPAS à Bruxelles, elle nous a mises sur la piste de cette thématique intéressante puisque très peu connue.

On pourrait s’attendre à ce que la Belgique, et en particulier Bruxelles, capitale européenne, soit un modèle en matière d’intégration et que des structures bien ancrées dans la société belge, spécialisées dans l’accueil des réfugiés, y existent. Après recherche, nous nous sommes rendues compte que la réalité belge était toute autre. Il existe en effet plusieurs ASBL et CPAS qui s’occupent de la question des réfugiés mais il n’y a pas une seule institution centralisée. De plus, Bruxelles et la Wallonie sont à la traîne dans le domaine par rapport à la Flandre voisine.

Après avoir insisté pour obtenir un entretien avec la première ASBL agréée proposant un parcours d’intégration, « VIA »,  j’ai rencontré la directrice adjointe. Cet entretien m’a particulièrement marquée puisque j’ai remis en question certaines idées reçues que j’avais, malgré ma prétendue ouverture d’esprit sur la question. Mes parents ayant eux-mêmes été réfugiés en Belgique, je me suis étonnée d’avoir certains préjugés par rapport aux personnes qui viennent trouver refuge ici. J’en suis par exemple venue à poser une question sur les dérives du système, à savoir, à demander s’il existerait  un risque que les personnes qui bénéficient du parcours n’abusent des aides sociales qui leur sont accordées. Je me suis alors fait la réflexion à posteriori, que le milieu social dans lequel nous évoluons conditionne véritablement notre point de vue sur la question de l’immigration, et que si, moi, indirectement issue de l’immigration, et ayant été le témoin du parcours de mes parents, arrivais à penser à ces choses là, je pouvais d’une certaine manière comprendre la raison qui pousse certaines personnes à avoir des avis radicaux sur la problématique. C’est un paradoxe de vivre dans une société qui encourage le développement des idées reçues sur une thématique aussi délicate puisque, à plusieurs reprises dans l’entretien, la personne interrogée a expliqué qu’il ne s’agissait pas d’une intégration des personnes mais que c’est bien à la société d’intégrer celles-ci. La Belgique a encore beaucoup d’efforts à faire afin de pallier une immigration avec volonté de retour au pays, ce qui est à la fois une des causes et des conséquences de l’échec de l’intégration.

Cependant, en comparant l’expérience de mes parents, livrés à eux-mêmes lors de leur arrivée à Bruxelles, avec ce qui est organisé à l’heure actuelle, j’en suis venue à réaliser les progrès qui ont été faits dans le domaine. On ne pense parfois pas à l’utilité de faire apprendre certaines choses banales mais à la fois très utiles, comme l’utilisation des transports en commun, à une personne qui n’a pas grandi en Belgique. C’est notamment un des rôles de l’ASBL « Via », au delà de l’apprentissage de la langue ou de cours de citoyenneté beaucoup plus théoriques. Je suis assez optimiste quant à l’évolution de ce projet. Peut-être les réfugiés pourront-ils, dans quelques années, être intégrés au mieux dans le paysage belge, comme c’est le cas en Suède par exemple, où pour la première fois une personne directement issue de l’immigration a été élue ministre?

Emina BEKTO

Nos préjugés sur les réfugiés : deconstruire les imaginaires collectifs

Que se cache-t-il derrière la crise migratoire ? Chacun y va de son grain de sel mêlant croyances, opinions, images et autres préjugés. Migrants, réfugiés, demandeurs d’asile, …. Syrien, irakien, afghan, … Réfugiés politiques, réfugiés économiques, réfugiés de guerre … Nombreux sont ceux, moi y compris, qui mettent tous ces termes dans un sac et qui mélangent énergiquement, agrégeant ainsi tous ces mots en une entité : la Crise Migratoire. Au cours de notre enquête de terrain, j’ai pris conscience de la multiplicité des parcours de ces humains qui quittent leur pays, quelle qu’en soit la raison. Alors que nous tentons de dresser une catégorisation des profils des accueillants, je ne soupçonnais pas l’étendue de diversité et de richesse cachée derrière le mot « migrant ».wordcloud

En effet, en deux entretiens seulement et quelques discussions de groupe, cette évidence (pas si évidente que cela au final) m’a sauté aux yeux : chaque être humain a un parcours, chaque être humain a une vie, chaque être humain a une histoire à raconter. Et cette histoire, il faut l’écouter pour mieux comprendre la situation. Ou plutôt les situations.

Mon premier entretien évoque deux Syriens, ayant fui la guerre et ayant laissé leur famille derrière eux. Ellen Kelly explique qu’elle comprend désormais mieux l’effet de la guerre sur la vie quotidienne des syriens grâce aux photos de ces individus. Moi aussi, un peu. Première image de l’imaginaire collectif ; le réfugié syrien fuyant la guerre.

Enthousiaste suite à ce premier entretien, je discute avec mon groupe de recherche. D’abord, il y a cette famille ressentant un certain malaise par rapport à des réfugiés irakiens munis de smartphones. Deuxième image de l’imaginaire collectif : les réfugiés ont tous un smartphone, ils ont tout et n’ont donc aucune raison de quitter leur pays. Et puis, cet entretien presque secret, au risque de dévoiler l’identité de réfugiés fuyant l’Etat Islamique. Troisième image.

Mon deuxième entretien traite de l’hébergement de deux Palestiniens. Des Palestiniens ? Je n’y avais même jamais réfléchi ; mais oui, les Palestiniens émigrent aussi. Le premier, dentiste, et le second, brancardier, n’ont qu’une seule idée en tête : mettre à profit leurs compétences pour aider les autres migrants dans les divers camps, dont le camp du parc Maximilien. Quatrième image. Jonathan Murray évoque avec plaisir les nombreuses discussions qu’il a pu avoir avec ces deux personnes, autour du repas du soir. Il parle également de ses voisins, qui ont accueilli une famille afghane sans le sou. Là, l’accueil semble plus compliqué, du simple manque de langue commune pour communiquer. Cinquième image.

En seulement trois entretiens, quatre nationalités sont nommées : Syriens, Afghans, Palestiniens et Irakiens. Et cinq images véhiculées dans les imaginaires collectifs. Pour combien qui n’ont pas été évoquées ? Si je dois retenir une chose, c’est la multiplicité et la diversité des parcours que ces êtres humains ont suivi. Mais aussi les imaginaires que cela suscite chez chacun d’entre nous : réfugié riche, pauvre, seul, diplômé, ouvrier, en famille, plurilingue, timide, … Tous ces qualificatifs sont attribuables à n’importe qui.

Selon moi, ce qu’il appréhender, ce n’est pas forcément la classification légale des différents cas : réfugiés politique ou économiques ? Migrant ou demandeur d’asile ? Même si ces aspects peuvent avoir leur importance, il faut garder en tête que chaque être humain a ses raisons de quitter son pays et que chaque parcours est différent.

Prendre conscience des imaginaires collectifs….  Et ne pas mettre le migrant dans une case prédéfinie

Ressentir, par empathie, les mêmes émotions que ces être humains …. Et comprendre leur situation

Aider, autant que possible et à sa manière, son prochain…  Un être humain qui n’est pas né ici mais là-bas.

Robin Van Leeckwyck

École, migration, intégration : des petites histoires porteuses d’espoir

La surexposition médiatique et sensationnaliste de l’immigration donne la sensation que l’« On est en train d’être envahi », ou qu’« on ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Dans son rapport au parlement européen, le journaliste Pierre Wolf montrait que 86% des êtres humains n’étaient jamais sortis de leur lieu d’origine. 66% des migrants partent d’un pays en voie de développement vers d’autres pays en voie de développement et seulement un sur trois se déplace du sud vers le nord. Les chiffres du PNUD en 2009 montrent que les migrants représentent les 3% de la population mondiale, contre 10% en 1913.

Pour ce travail, je me suis rendu sur le terrain, dans une école primaire à Jette, une commune assez méconnue pour moi. Ce n’est qu’en arrivant qu’on pouvait apprécier cette mosaïque de visages venus de quatre continents, des enfants tous en train de jouer ensemble, mettant en pratique tout ce que politiciens, institutions internationales et médias ne semblent pas arriver à faire.

J’ai rencontré des professeurs, qui montraient un grand sens de la multiculturalité et j’ai pu voir leurs yeux quand ils parlent de leurs élèves. J’ai pu constater que les possibilités de développement du racisme sont minimales dans un contexte d’ouverture à la diversité, d’entraide avec les nouveaux venus, les primo-arrivants. J’ai compris la valeur des activités extrascolaires dans les processus de socialisation, de la réaffirmation de la confiance en soi après des trajets de vie particulièrement difficiles et de sa propre construction identitaire.

Les professeurs expliquent comment à travers des programmes de localisation de cartes sur internet, ils parcourent avec les nouveaux élèves les lieux qu’ils ont du traverser durant leur voyage, de leur ville d’origine jusqu’à Bruxelles où se trouvait une famille amie.

Tous les élèves semblent rester impressionnés, comprenant les dimensions du sacrifice qu’ils ont du accomplir avec leurs familles pour être là, assis à côté d’eux. Ce mécanisme crée de l’empathie, de la compréhension et du respect envers le primo-arrivant.

Avec des autres nouveaux élèves qui ont vécu déjà dans d’autres pays d’Europe, ils appliqueront un système semblable, mais dans ce cas, l’élève montre lui même au professeur et à ses camarades où se trouvait sa maison, la route vers son ancienne école et des lieux qu’il aimait dans sa ville.

Je suis resté marqué par ce moment où les professeurs ont répondu à l’unisson qu’ils ne quitteraient jamais leur école pour aller travailler dans une autre école avec plus de moyens, parce que la diversité y est très faible et leur liberté dans l’enseignement et dans la capacité de créer des contenus serait limitée.

Même avec l’accord entre l’Union Européenne et la Turquie, Frontex, Calais, les balles de caoutchouc en Espagne, la situation dans certaines frontières et les murs qui s’élèvent un peu partout dans le monde, cette expérience dans une école de Jette m’a donné l’espoir de voir comment, dans des petits espaces concrets, dans des micromondes, dans le ventre du monde, existe le sens de la justice, du respect et de l’amour pour l’autre.

Joaldo Dominguez

 

Une Europe assiégée ? Traitement médiatique et réalité du fait migratoire

La question migratoire est ardemment débattue mais malheureusement très mal comprise. La majorité des préjugés sur les flux migratoires se basent sur des mythes et non des faits. C’est d’ailleurs pour cette même raison que les politiques destinées à les diminuer échouent. Il est temps que nous apprenions à voir l’immigration non comme « un problème à résoudre » mais plutôt comme un résultat intrinsèque et inévitable de la mondialisation mais aussi du développement de la société humaine.

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La Grande Migration

Lors des mes entretiens au Ciré et à l’Actiris, j’ai eu l’occasion de discuter du rôle des médias dans la crise migratoire. Les personnes que j’ai interviewées m’ont toutes informée qu’elles se méfiaient des informations relayées par les médias. Selon elles, la plupart des médias veulent faire du buzz, faire du sensationnalisme, c’est pourquoi elles trouvent les articles publiés très biaisés. Pour elles, l’information est filtrée et même fausse parfois. J’ai pu discuter de la crise migratoire « sans précédent » avec une employée de Ciré d’origine kosovare. Il y a 17 ans, elle a quitté l’ex-Yougoslavie pour la Belgique lors du conflit bosniaque. Elle m’a alors appris que durant cette période, la situation de l’immigration de masse en Europe était bien pire. C’est pourquoi j’ai décidé de me pencher un peu plus sur la question de savoir si on assiste vraiment à crise migratoire « sans précédent » ou non.

En effet, depuis le début des flux migratoires en provenance du Moyen-Orient, les médias mettent l’accent sur le nombre significatif de migrants qui viennent en Europe. Les chaînes d’info, les journaux et les réseaux sociaux sont tous envahis de photos montrant des hommes, des femmes et des enfants, entassés comme du bétail dans des camps ou derrière des grillages à la frontière serbo-hongroise. L’information relayée est toujours la même : cette vague d’immigration de masse est sans précédent ! Mais est-ce vraiment le cas ?

Pour trouver la réponse, j’ai décidé de faire des recherches, de vérifier les chiffres et de ne pas me fonder sur la majorité des articles que l’on peut trouver un peu partout sur internet. Pourquoi ? Parce que l’idée que l’on assiste à des migrations de masse sans précédent et que les pays développés sont particulièrement touchés m’est inconcevable.

« L’Europe est en guerre! Contre un ennemi qu’elle s’invente. »

Une étude faite par Hein de Haas, co-directeur de l’Institut de Migration internationale (IMI), démontre que le taux des flux migratoires dans le monde est resté stable. En effet, le nombre absolu de migrants internationaux a presque doublé entre les années 1920 et 2000 mais la population mondiale a aussi augmenté au même rythme. Près de 3% de la population mondiale sont des migrants internationaux, ce chiffre est resté constant au cours du dernier demi-siècle. Il est donc erroné de dire qu’on assiste à une augmentation des taux migratoires.

En ce qui concerne le cas de l’Europe, Hein de Haas a souligné que, bien que le nombre de migrants en Europe ait fortement augmenté, on ne peut pas parler de crise migratoire « sans précédent ». En effet, pendant la guerre des Balkans, les chiffres des flux migratoires étaient beaucoup plus conséquents. Par ailleurs, la plupart des migrants se trouvent dans des pays en voie de développement (Asie et Afrique) et non dans des pays riches. En effet, seulement 10% des réfugiés syriens viennent en Europe, le pourcentage restant demeure en Turquie, en Jordanie et au Liban. La Turquie compte à elle seule plus de 2,9 millions de réfugiés syriens. Ce sont donc ces pays-là qui sont « assiégés » et non l’Europe. On ne peut donc ni parler d’exode ni d’une invasion.

Pour conclure, nous devons « reconceptualiser » l’immigration. Nous devons arrêter de la voir comme un « bon » ou « mauvais » processus mais plutôt comme un phénomène naturel et normal. Le processus de migration existe depuis l’âge des glaces, elle est inscrite dans notre ADN, et la diaboliser entraverait le développement humain et social dans le monde.

Nazanin NEJATI

Bibliographie

Hein de Haas & Mathias Czaika
2014
« The Globalization of Migration: Has the World Become More Migratory? »
Hein de Haas
2015
« Behind the Headlines: Investigating the drivers and impacts of global migration »

Des tensions palpables entre les associations

Dans l’année écoulée, le camp des réfugiés de la Linière à Grande-Synthe est devenu l’un des camps les plus représentatifs de la crise migratoire en Europe. Cette situation attire ainsi de nombreuses associations venant de zones géographiques différentes, avec une même ambition : aider et soutenir.

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Espace commun du camp. Photo prise par Giuliana Gliottone

La majorité des associations présentes sur le camp sont d’origines françaises ou anglaises. Cependant, elles ne sont pas les seules. De part la couverture médiatique importante, de nombreuses petites associations allemandes, suisses ou encore belges se sont installées récemment. Nous avons eu la possibilité d’interviewer une large palette de celles-ci, représentant le côté multiculturel de l’aide proposée. Approcher des associaitons de toute horizon a été une expérience très enrichissante: les approches du problème étaient différentes selon l’interlocuteur. La différence était palpable notamment entre associations françaises et étrangères.

Nous avons été surpris d’observer sur le camp cette problématique que nous n’avions pas du tout prédite au départ. Force est de constater cependant que celle-ci est très présente. Lors de nos discussions, plusieurs acteurs dans la gestion du camp nous ont souligné cette problématique du conflit existant entre associations d’origines différentes, sans avoir même posé la question préalablement.   

J’ai ainsi ressenti une grande tension entre les différentes associations. Pas tant au niveau des idéologies, mais davantage au niveau des origines de celles-ci. On a donc interviewé différentes typologies d’associations qui ont une provenance, des resources matérielles et une vision du problème complètement differentes.

La ville de Grande-Synthe a donné à l’association « Utopia 56 » la gestion du camp. Utopia 56 qui est une association française récemment crée. Nous avons eu la possibilité de parler rapidement avec un de leur exposants et il nous a souligné qu’il y avait une volonté de la part des associations françaises d’acquérir un rôle plus important. Force est de constater cependant que les associations les plus présentes sur le camp sont d’origines étrangères (notamment anglaises). Réalité assez surprenante puisque le camp se trouve en France.

La première personne qui nous a parlé de ces rapports est F. B. Cuchet. Il gère une école sur le camp, fondée par un anglais. Il soutien cependant fortement la nécessité des associations françaises d’obtenir une position plus importante sur le camp. Selon lui, la façon de travailler est tellement différente lorsque l’on compare une association française et une anglaise, qu’il est normal voire naturel que des conflits se créent : «Le seul problème qu’il y a eu, c’est qu’il y a eu un grand conflit au début du camp entre les associations anglaises et françaises. Les Anglais on les connaît, ils sont très pragmatiques, je pense que ça vient du temps des colonies. Ils arrivent, ils ont tout qui arrive derrière, donc quand ils ont vu la crise, nous avons eu le mauvais rôle car c’est la police française qui empêchait les gens de passer, car la frontière est à Calais. Ce sont les Anglais qui payent pour les barrières, les barrières viennent de Londres, mais les migrants quand ils arrivent ici voient que ce sont les Français qui les empêchent d’aller en Angleterre».

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Ancienne cuisine de Rastplatz. Photo prise par Giuliana Gliottone

Joel Sames, un des créateur de Rastplatz, nous donne une toute autre vision du problème. Rastplatz est une association suisse qui gère une grande cuisine au sein de la « Jungle de Dunkerque »  et distribue entre 500 et 200 potions de nourriture par jour. Selon lui, la différence se constate surtout sur le site. Il n’y a jamais eu une forte présence d’associations françaises sur le camp. Leur travail n’est pas comparable à celui des nombreuses petites associations suisses, allemandes ou anglais présentes jours et nuits. Les préjugés et défiances se sont donc installés au fur et à mesure envers les associations françaises.

Depuis le déménagement, de nouveaux acteurs sont déjà présents sur le terrain. Ce nouveau site offre beaucoup plus de possibilités concernant la coopération, en espérant que le travail en équipe soit favorisé plutôt que les tensions.

 Giuliana Gliottone

« Crise migratoire » et enseignement dans les classes DASPA

L’école fondamentale annexée Bruxelles II, au nord de la capitale belge, compte trois classes DASPA, des classes passerelles dédiées à l’accueil des enfants primo-arrivants dans le système scolaire belge. Ses enseignants sont unanimes : depuis le début de la récente « crise migratoire », ils recensent de plus en plus de réfugiés de guerre parmi leurs élèves. Auparavant, dans leurs classes, il y avait surtout des enfants dont les parents étaient venus en Belgique pour des raisons économiques, pour trouver un travail. Aujourd’hui, une part conséquente des effectifs des classes DASPA de cette école du nord de Bruxelles est constituée de Syriens ou d’Afghans ayant fui avec leurs familles un quotidien de violences. Certains élèves de ces classes passerelles ont perdu un parent, parfois même les deux, suite aux conflits armés qui font rage dans leurs pays. D’autres ont effectué toute une partie de leur exode tout seul alors qu’ils n’ont pas plus de 12 ans. Il faut savoir que les mineurs non accompagnés ont plus de chances d’obtenir l’asile politique, du moins, c’est ce que pensent certains parents qui ne rêvent que d’une chose, permettre à leurs enfants de vivre une vie meilleure, moins violente et plus prospère. C’est donc dans un contexte particulier que travaillent les professeurs des classes DASPA depuis quelque temps, comme en témoignent par ailleurs les dessins de leurs nouveaux élèves, dans lesquels les chars et le sang remplacent les super héros ou les paysages ensoleillés.

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Affiche dans l’une des salles de classe de l’école fondamentale annexée Bruxelles II sur laquelle figure la définition d’un rang. Marius Bihel.

« Un rang, c’est une suite de personnes placées les unes à côté des autres, disposées sur une même ligne ». Cela peut sembler évident, c’est l’une des premières choses que l’on apprend au cours de notre scolarité. Cependant, pour certains élèves des classes DASPA, au-delà de l’apprentissage de la langue ce sont aussi les règles de l’école qu’il faut parfois découvrir. En effet, dans l’une des classes de l’école fondamentale annexée Bruxelles II, un enfant d’une dizaine d’années a fui la Syrie avec sa famille au début de la guerre civile qui ravage le pays depuis cinq ans. Cet élève avait à l’époque environ cinq ou six ans. Après un long périple à travers le Moyen-Orient, l’Afrique du nord, la Méditerranée et l’Europe, il est scolarisé pour la première fois en Belgique. Les professeurs des classes DASPA ne se contentent donc pas de donner des cours de français ou de mathématiques. Ils doivent également enseigner des règles de vie pour favoriser l’adaptation des enfants à une nouvelle institution mais aussi à une nouvelle culture et à un nouvel environnement.

Le mardi qui a suivi les vacances de printemps nous avons eu l’opportunité d’effectuer une journée d’observation dans les classes DASPA de l’école annexée Bruxelles II. Pour les « Primos 2 » (âgés de 10 à 12 ans), au programme du jour : le champ lexical des émotions. Comme exercice le professeur demande aux élèves de faire des phrases avec les mots qu’ils viennent d’apprendre durant la leçon. La plupart ne parlaient pas français quand ils sont arrivés en septembre et ont fait des progrès fulgurants. L’une des élèves lève la main et déclare fièrement : « Je suis contente parce que les vacances sont finies ». Le professeur donne ensuite la parole à un autre enfant qui a dû fuir la guerre, il dit : « Je suis triste parce que j’ai quitté ma maison». L’enseignant demande ensuite à cet enfant s’il aimerait rentrer dans son pays lorsque la guerre prendra fin. Ce dernier acquiesce. Vient le moment de la récréation, nous discutons avec le professeur de cette dernière intervention. Il est formel. Ces enfants qui ont fui les horreurs de la guerre, ainsi que certains des parents avec lesquels il a eu l’occasion de discuter, ne souhaitent qu’une chose, pouvoir rentrer chez eux.

Aider des enfants qui ont connu la guerre, les difficultés de l’exil, et qui parfois découvrent l’école en plus de devoir apprendre une nouvelle langue, tout en s’adaptant à une nouvelle culture et à un nouvel environnement : tel est le quotidien de ces enseignants de classes DASPA ces derniers temps. De toute façon, quel que soit le passé et les raisons de la venue en Belgique de leurs élèves, l’objectif de ces professeurs reste le même : favoriser l’épanouissement de ces enfants sans les pousser à mettre de côté leurs origines.

Marius Bihel

De l’information à la dissuasion ?

Après ma rencontre avec les travailleurs en centre de demandeurs d’asile de la Croix-Rouge, j’ai pu constater une certaine désillusion « sur le front » par rapport à certaines mesures prises par les « décisionnaires ». Les anecdotes que j’ai recueillies m’ont permis de faire un constat général, en m’interrogeant sur les points que je livre ici, sur le caractère dissuasif des politiques belges et du CGRA.

Le travail principal du travailleur social en centre de demandeurs d’asile consiste à informer les résidents des centres sur les possibilités qui s’offrent à eux (procédure de demande au CGRA, recourt au CCE). Certains médias et politiques, Fedasil par exemple, parleront de « bénéficiaires » mais il s’agit bien de « résidents ». L’usage du terme exact est important pour les travailleurs de la Croix-rouge « car ça évite de faire des amalgames » livre un directeur de CADA.

Procédure de demande d'asile
Photo du poster de la procédure d’asile affiché dans le centre d’accueil de la Croix-Rouge de Uccle

C’est donc avec pédagogie que les travailleurs sociaux informent les demandeurs d’asile sur la procédure à suivre, schématisant les étapes sur un bloc note. Car en effet, aucune brochure d’information sur la procédure n’est distribué à leur arrivée à l’Office des Étrangers. D’ailleurs, le nombre d’enregistrement des demandes à l’Office a été réduit, une mesure qui a créé une situation de tension au Parc Maximilien. Le temps d’attente pour les demandeurs d’asile, qui arrivent de loin, est donc rallongé et aucune information ne leur est donné sur leurs droits en matière de protection internationale.

Il y a aussi des faits comme notamment le courrier envoyé aux demandeurs irakiens du secrétaire d’État à l’Asile et la Migration Théo Francken en septembre 2015, stipulant qu’ils avaient peu de chance d’obtenir le statut de réfugié. Visant ainsi à décourager, avant même le début de la procédure, ceux qui cherchent une protection, une vie en paix.

Plus déroutant encore, les descriptions d’audition du Commissariat des réfugiés lors desquels les demandeurs d’origine syrienne seraient interviewés deux à trois fois moins longtemps que des demandeurs d’origine africaine. Un assistant social raconte l’histoire d’une mère guinéenne avec deux enfants, « elle avait des garçons », alors les chances d’obtenir l’asile sont réduites puisqu’ils ne seraient pas sujet à l’excision. Cette pratique quant a elle en dit long sur les critères d’octroi de la protection internationale, ce serait en fait surtout une question de nationalité. Les syriens « on est sûr de leur nationalité, on sait que c’est la guerre chez eux », ont 98% de chances d’obtenir le statut alors que les afghans ou les irakiens ont de moins en moins de chance. Pourtant, on ne peut pas dire que la paix et la démocratie règnent à Bagdad, nie-t-on alors les discriminations ou les menaces de violence dont certains demandeurs d’asile peuvent être victime?

Un assistant social, nouveau à la Croix-Rouge, affirme faire tout son possible pour réunir les pièces du dossier afin que les demandeurs réussissent le « grand oral » de leur « récit d’asile », l’entretien des demandeurs d’asile au CGRA. L’assistant social rappelle que certains demandeurs sont analphabètes et que cela peut donc les désavantager lors de l’entretien pour se souvenir de dates précises dans son parcours.

Toutes ces anecdotes m’ont amené à me poser la question sur le caractère dissuasif des politiques, qui vont à l’encontre des engagements internationaux pris par la Belgique en matière de protection internationale. Je me demande alors quels sont les critères d’évaluation qui permettent de juger si un pays est sûr ou pas ? Face à l’étendue des horreurs et des souffrances dans le monde, il est difficile de faire des choix. Leur critères dépend-il d’un manque de moyens ou est-ce un choix politique ?

Laura Verbeke

L’histoire de Jawad

Durant cette enquête dans une école faisant de l’intégration sans faire partie du programme DASPA, c’est le côté humain qui m’a le plus sauté aux yeux, tant au niveau des professeurs que des élèves. La rencontre, l’histoire et le nouveau quotidien de Jawad m’ont particulièrement marqué.

Jawad a 12 ans. Il est arrivé en Belgique en septembre avec ses parents et ses deux petits frères de 8 et 10 ans. Issu d’une famille assez aisée et chrétienne,  Jawad habitait à Damas. Jawad et ses frères suivaient des cours dans une école privée qui étaient pour la plupart donnés en anglais. Début juillet, ils ont dû fuir le pays. Ils ont mis 2 mois pour arriver en Belgique. Passés à pieds par la Turquie, ils ont ensuite traversé l’Europe en bateau jusqu’en Italie, où ils sont entrés en France pour enfin arriver en Belgique après deux mois de voyages.

Le titulaire de sa classe raconte qu’au début, cela n’a pas été facile avec Jawad. Il était fort introverti, n’essayait pas de parler à qui que ce soit et ne montrait aucune motivation pour apprendre et s’adapter, s’intégrer. Pour ses petits frères, ce fût apparemment plus facile. Selon les professeurs, c’est normal, plus les enfants sont jeunes, plus ce sont « des éponges », plus ils apprennent et donc s’intègrent vite. Pour Jawad, il a fallu plus de temps. Depuis son arrivée, Jawad a été intégré dans une classe avec des élèves de son âge, il suit les cours au même titre que les autres malgré son retard en français. Les enseignants ont pris du temps au début de l’année pour raconter l’histoire de Jawad aux autres élèves de sa classe. D’après son titulaire, ses camarades de classe l’aident énormément à progresser. Quatre fois par semaine, un professeur d’adaptation le prend à part pour lui apprendre le vocabulaire, la grammaire, en passant d’abord par l’oral. Ces professeurs d’adaptation n’utilisent pas de méthode précise, selon eux, c’est « juste une question de bon sens ». Le reste du temps, Jawad suit un programme normal, comme les autres. Selon ses professeurs, c’est important qu’ils se sentent directement intégré, qu’ils ne se sentent pas différent. Il a un bulletin comme les autres, est évalué comme les autres et a le même travail qu’eux, même s’il est parfois adapté en fonction de ses difficultés. Les différents professeurs qui s’occupent de lui l’ont laissé prendre ses marques à son aise.

Aujourd’hui, nous sommes en avril et cela fait déjà 8 mois que Jawad est en Belgique. Il vit avec sa famille chez des amis syriens arrivés il y a plus longtemps dans le quartier. Leurs amis d’accueil ne parlant pas spécialement français, une professeure libanaise de l’école aide les parents pour l’administratif. Jawad, quant à lui, s’est petit à petit intégré dans sa classe. Il commence à s’exprimer dans un français assez correct, il lui manque encore du vocabulaire, son titulaire lui traduit encore des mots en anglais pour qu’il comprenne mieux, mais d’après lui, c’est incomparable avec le début d’année. Jawad part bientôt en voyage pendant une semaine avec sa classe à Texel au Pays-Bas.  Il me dit qu’il est un peu stressé mais qu’il a surtout hâte de partir avec toute sa classe.

Le parcours de Jawad est similaire à celui d’énormément de primo-arrivants dans les écoles de Bruxelles. Il n’est pas toujours évident pour les professeurs de s’adapter pour donner la meilleure formation possible à ces enfants, par manque de temps, manque de formation mais surtout par manque de moyens. Cependant, ce qui m’a énormément marqué, c’est la motivation de ces professeurs à donner leur temps et de faire au mieux pour aider ces enfants à s’épanouir et ne plus se sentir différents.

Coline Van Deursen

La demande d’asile : entre injustice et frustration

Dans les centres d’accueil de la Croix-Rouge, de nombreux résidents se côtoient. Des hommes principalement mais aussi des femmes et un grand nombre d’enfants ou MENA (mineurs étrangers non accompagnés) comme les appellent les travailleurs des centres. Il y a là des familles, des individus seuls, de toutes nationalités et de tous lex âges. Tous cohabitent. La cohabitation se passe parfois relativement bien comme nous le décrit Julian, assistant social au centre d’Uccle devenu un centre spécial MENA : « Ici, c’est facile maintenant, c’est little Kaboul. C’est 75% d’Afghans et ça se passe bien. Globalement les jeunes mangent ensemble, travaillent ensemble et ils s’entendent bien ».  La diversité est très grande au sein même des centres où chacun partage un objectif commun qui est d’obtenir l’asile, mais où les origines, les passés, et les langues sont différentes. Les Syriens côtoient les Afghans, les Irakiens, les Érythréens mais aussi les Guinéens et les Somaliens.

Tous ont entrepris un voyage difficile jusqu’au cœur de l’Europe et tous, une fois arrivés à ce qui semble être le bout du chemin, n’en voient pas encore la fin. Car après les kilomètres traversés vient le parcours administratif dans un pays dont on ignore la langue et le système. La mission des travailleurs de la Croix-Rouge est d’accompagner ces demandeurs d’asile, un travail double qui se veut administratif mais surtout social. Ils les guident face aux obstacles de l’administration, obstacles différents selon les profils et les dossiers. Ce travail peut parfois être rude pour les salariés des centres car l’administration se délègue. Elle a recours à l’attente, à la dissuasion et aux courriers perdus dans un jargon juridique pour perdre les demandeurs d’asile, les balloter entre l’Office des étrangers, Fedasil, le CGRA (Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides) et la Croix-Rouge. Les résidents ne savent ainsi plus où en est leur procédure et en viennent à confondre le travailleur avec l’administration car il est la seule personne présente auprès du demandeur. Farid, directeur de centre, dit ainsi « Tu ne peux pas ne pas être assimilé à l’État (…). Quand il y a une réponse, c’est normal, l’assistant social, il a des contacts avec le CGRA, c’est un peu normal, c’est lui qui reçoit les courriers et c’est lui qui te le donne … ». Julian, assistant social, nous confie ainsi qu’après une décision négative : « Ils sont souvent dégoûtés comme si c’était ta faute. Ils ont besoin de le montrer. » Mais Chloé, la directrice-adjointe, pense que les résidents ne font pas cet amalgame. Cela peut peser sur la conscience de l’équipe mais Farid déclare : «  On a la conscience tranquille, on sait qu’on n’a aucune influence sur ça. Mais dans leur tête, 90% pensent qu’on a quelque chose à faire avec la procédure en cours. On n’a absolument rien, moi je suis directeur, je n’ai aucun pouvoir sur la procédure, aucun. »

Cette frustration des résidents qui s’exprime face aux travailleurs est nourrie par une certaine discrimination depuis le début de la crise syrienne. Les procédures de demande se traduisent en effet par des conditions de traitement différentes selon la nationalité et les résidents de nationalité syrienne se voient fréquemment privilégiés dans leur demande d’asile. Ils restent peu de temps dans les centres car le délai de traitement se réduit pour eux à trois ou quatre semaines tandis qu’il atteint parfois sept mois pour un Irakien ou un Guinéen. Cela ajoute à l’attente et à la frustration alimentant un sentiment d’injustice, ce qui peut créer des tensions dans les centres et entraver le travail des collaborateurs. Farid s’énerve ainsi : « Les tensions avec les résidents, ça devient fou, même entre eux. L’Irakien est jaloux de l’Afghan ou du Syrien qui voit sa demande directement acceptée. Et les Africains, on a des centaines d’Africains dans nos centres qui se demandent qui ils sont dans ce système. Il y a les demandes d’asile par classe, ce qu’on appelle les demandes à haute probabilité de reconnaissance. C’est par exemple maintenant la Syrie ». Les Syriens constituent donc officiellement une catégorie prioritaire, au détriment des autres individus. L’État fait-il preuve alors de discrimination dans sa politique d’accueil ?

Lesley Chen

Un entretien collectif dans une langue étrangère

Un des aspects spécifiques de l’entretien collectif auquel j’ai contribué était que les participants devaient parler en anglais, leur deuxième voire leur troisième langue. Analysant la différence des perceptions de la ‘crise migratoire’ entre la communauté francophone et la communauté flamande, nous avions besoin d’un entretien collectif  en anglais parce que c’était la langue la plus facile pour les deux groupes linguistiques et qu’elle ne favorisait pas un groupe sur l’autre.

La xénoglossophobie – la peur des langues étrangères – fait l’objet de nombreuses études sociolinguistiques.  Tandis qu’elle peut se manifester lors de n’importe quelle activité liée aux langues étrangères, c’est surtout l’expression et la compréhension orales qui suscitent des sentiments de malaise, des appréhensions ou des inquiétudes[1]. Dans le cadre d’un entretien collectif, ces sentiments sont amplifiés lorsque les participants doivent défendre leur point de vue devant un groupe et interagir avec leurs pairs. Durant notre entretien collectif, les participants semblaient souvent craindre de prendre la parole et ils avaient des difficultés apparentes à exprimer leurs opinions. Même les participants avec un niveau d’anglais élevé revenaient parfois sur des expressions dans leur propre langue tel que “door de bomen het bos niet meer zien”.[2]

D’ailleurs, la divergence du niveau d’anglais entre les différents participants était palpable. Hugo, un participant avec un niveau d’anglais courant, se démarquait particulièrement. En effet, il travaille dans le domaine de la migration et le fait qu’il parle l’anglais couramment a renforcé son rôle ‘d’expert’ au sein du groupe. C’est devenu d’autant plus évident lorsque des sujets plus complexes liés à la ‘crise migratoire’, tel que l’accord entre l’Union européenne et la Turquie, étaient abordés. Dans ce type de situations, l’absence de vocabulaire et la peur générale de s’exprimer dans une langue étrangère ont empêché les autres participants d’interagir aussi librement qu’ils l’auraient fait dans leur langue maternelle. Souvent, Hugo était le premier à prendre la parole et les autres exprimaient qu’ils étaient d’accord avec ses positions. Ils reprenaient également parfois ses phrases et ses expressions. Dans le même sens, il a exercé le rôle de modérateur du groupe en dirigeant les débats et en essayant d’aider les autres participants à trouver les bonnes formulations quand les mots leur manquaient.

Les différents niveaux d’anglais ont, par conséquent, permis à certains participants d’exprimer leurs idées plus facilement qu’à d’autres – un déséquilibre qui a potentiellement influencé les résultats de notre étude.

Melanie Weskamp ⎹   Vendredi 22 avril 2016


[1] MacIntyre, P. D. & Gardner, R. C. (1994) «The subtle effects of language anxiety on cognitive processing in the second language», Language Learning, vol. 44,‎ p. 283–305.

[2] Traduit librement: ‘l’arbre cache la forêt’