Une envie de bien faire

Ayant précédemment eu l’occasion d’effectuer de nombreux entretiens semi-directifs dans le cadre de mon parcours académique, j’étais particulièrement intéressé à l’idée d’opter pour un nouveau type de méthode de collecte de données.

John et moi avons ainsi découvert pour la première fois la méthode de l’observation dans un point d’information Fedasil qui s’occupait également de conseiller les individus sur le retour volontaire et de faire le nécessaire pour s’assurer qu’ils puissent arriver dans leur pays d’origine (ou un pays voisin dans des cas comme la Syrie) sans encombre.

La salle d'attente vue de l'extérieur
La salle d’attente vue de l’extérieur (photo prise par Xavier Poulain)

Nul besoin de décrire physiquement les lieux ou l’ambiance de travail, le billet de John remplit déjà parfaitement cette fonction. J’aimerais plutôt vous faire part de cas concrets – anonymisés bien sûr – auxquels j’ai eu l’occasion d’assister et qui m’ont réellement permis de me rendre compte de la plus-value apportée par une méthode d’observation.

Le premier fut celui d’un ressortissant pakistanais qui avait déjà effectué une visite dans ce centre d’information quelques semaines au préalable. Malheureusement, et d’après le récit qui m’a été conté par le personnel Fedasil ainsi que les membres de la sécurité (qui, comme John l’a souligné, jouent un rôle fondamental dans le fonctionnement quotidien), ce monsieur était à court d’option et au bout du rouleau. C’est en partie la raison pour laquelle il s’était apparemment violemment emporté contre un conseiller Fedasil lors de son précédent rendez-vous.

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Le guichet d’accueil et les gardes de sécurité (photo prise par Xavier Poulain)

Pour éviter toute mauvaise surprise, des mesures spéciales avaient été prises dès que les gardes de sécurité l’ont reconnu à l’entrée : il a donc d’abord dû patienter hors du bâtiment, avant d’être reçu dans une partie séparée de l’open space, dos aux bureaux des autres conseillers (afin de l’isoler un maximum) et avec les deux gardes de sécurité non loin. J’étais moi-même présent juste à côté et la tension se sentait très clairement dans tout le bureau. Heureusement ce monsieur, qui était venu cette fois avec un ami parlant français, était cette fois beaucoup plus calme et une solution a donc pu être trouvée à l’amiable sans incident.

Le second cas marquant était celui d’un ressortissant syrien. Ce dernier désirait rentrer en Turquie (là où il avait laissé le reste de sa famille ayant fui le régime) avant d’entreprendre un long et dangereux périple à travers l’Europe. Son statut de réfugié lui avait été refusé (en première et en seconde instance) et il n’avait donc d’autre choix que de rentrer en Turquie.

Les problèmes sont apparus lorsqu’il fut nécessaire de contacter l’ambassade de Turquie afin d’obtenir des documents administratifs indispensables à son retour. La traductrice de Fedasil expliquait qu’il avait tenté par tous les moyens de les obtenir lui-même mais qu’il n’y était jamais parvenu. Le conseiller Fedasil s’est heurté aux mêmes difficultés (site internet non fonctionnel, standard téléphonique surchargé) mais a continué à faire preuve d’une réelle volonté d’aider ce monsieur malgré ces obstacles. Une solution n’a pas été trouvée ce matin-là mais le conseiller a promis de continuer d’essayer de rentrer en contact avec l’ambassade plus tard via d’autres moyens.

Globalement c’est ce désir profond de réellement aider les individus, quelle que soit leur situation, leur histoire (ou leur irascibilité) qui m’a personnellement frappé. Les divers conseillers font preuve d’une volonté de fer malgré des histoires parfois traumatisantes, ont une « envie de bien faire » à toute épreuve, et sont vraiment désireux de redorer leur image. En tant que fonctionnaire, ils doivent en effet faire face aux stéréotypes liés à la profession d’agent de l’Etat, et doivent de surcroît traiter de la question du retour volontaire étroitement liée à la thématique controversée de la crise migratoire qui fait l’objet du présent blog.

Un tel ressenti n’aurait pas été perçu – ou en tous cas pas si extensivement – si nous avions eu recours à d’autres types de méthodes, et l’expérience m’a clairement fait réaliser les nombreux avantages que présente l’observation de terrain. Elle n’en reste pas moins complémentaire à des entretiens plus classiques qui permettent quant à eux d’obtenir plus d’informations factuelles et ciblées sur la question de recherche.

Xavier Poulain

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