En Belgique, deux réseaux d’enseignement occupent le terrain. Ils sont le résultat de la longue « guerre scolaire » qui a traversé le pays. Le « pacte scolaire » qui en a résulté en 1959 établit encore le paysage de l’enseignement aujourd’hui. Dans chaque commune se trouve donc au moins une école pour chacun des deux réseaux d’enseignement. La population a ainsi le choix entre les écoles dites « officielles » et les écoles catholiques (ou autre !), correspondant à ce que l’on appelle l’enseignement « libre confessionnel ».
Alors, cette caractéristique belgo-belge entre-t-elle en compte dans la mise en place du DASPA ? Pas spécialement. Pour mettre en place une classe DASPA, il faut en faire la demande auprès du Ministère ; que l’école pose sa candidature. En pratique, à Bruxelles, les autorités veillent à ce que l’équilibre soit respecté au mieux dans l’attribution. Le compromis à la belge est donc toujours d’actualité. En Wallonie, les conditions sont un petit peu différentes, comme nous avons pu le voir dans un autre billet.
En revanche, la dimension idéologique (et le clivage « catholique/laïc » qui pourrait en découler) ne semble pas prépondérante dans la décision d’accueillir des élèves primo-arrivants. Il y a bien une école catholique où la direction a justifié sa candidature par la dimension « lassalienne » (ndlr : dérivé de Saint Jean-Baptiste de La Salle, saint patron des enseignants) qui animait sa politique. C’était dans « une réelle volonté d’accueillir tout le monde », nous dit-on. Mais si cette volonté d’accueil universel nous a plusieurs fois été donnée en argument par le personnel d’établissements catholiques, celle-ci ne s’est vue justifiée qu’une seule fois par l’argument religieux.
A l’Institut de la Providence d’Anderlecht, on y trouve une explication beaucoup plus pragmatique. « C’est historique », m’explique le coordinateur DASPA. « Ce sont des écoles qui avaient depuis toujours un public étranger très fort. Ici dans l’école, il y a toujours eu des classes de français intensif, même s’il n’y avait pas de loi DASPA ou ‘passerelles’. C’était la même chose, mais ça ne s’appelait pas pareil, parce qu’on était dans les années 80 et que dans le quartier de la gare du midi, il y a toujours eu beaucoup d’Espagnols, et puis de Portugais, et puis de Marocains ». La candidature de ces écoles reflète donc davantage une volonté de poursuivre sur cette voie car elles bénéficient d’une expérience dans l’enseignement du ‘FLE’ (ndlr : Français Langue Etrangère). C’est la suite logique pour perpétrer ce qui se fait depuis longtemps.
Quid du cours de religion ? Dans l’enseignement officiel, le choix est laissé à l’élève de suivre un cours de religion ou de morale non confessionnelle (ou encore un cours de « rien », diraient certains aujourd’hui). Dans l’enseignement catholique, le programme compte bien évidemment un cours de religion … catholique. Une grande partie des élèves primo-arrivants est pourtant musulmane. Cela pose-t-il un problème ? « Non », me répond le coordinateur d’une école catholique. « A l’inscription, on les prévient ». Il me confie ensuite que le programme de religion n’est pas vraiment appliqué en DASPA. « Concrètement, ça nous sert plutôt à faire deux heure de français supplémentaires … ». L’accent est surtout mis sur les aspects culturels comme Pâques ou Noël. Le cours se concentre sur une analyse comparée des différentes religions pour favoriser l’ouverture d’esprit et la connaissance de l’autre, dans un objectif de vivre-ensemble. « Jamais on n’a sorti une Bible ou quelque chose comme ça », conclut-il.
La présence et l’opposition supposée des deux réseaux d’enseignement semblent donc davantage être un vieux vestige des batailles idéologiques de « la Belgique de papa », et leurs représentants respectifs actuels ont le bon goût de ne pas faire de l’accueil primo-arrivant, déjà difficile, un nouveau casus belli ou faire-valoir.
Michaël Boumal