C’est parti pour une petite tartine méthodologique ! Ne vous inquiétez ce n’est pas si barbant et compliqué que ça en a l’air !
Tout d’abord qu’est-ce qu’un entretien semi-directif ? Comme l’explique Nicole Berthier, l’entretien semi-directif « combine attitude non-directive pour favoriser l’exploration de la pensée dans un climat de confiance et projet directif pour obtenir des informations sur des points définis à l’avance ». Il s’agit d’aborder avec l’enquêté les points essentiels désirés pour répondre à la question de recherche tout en lui laissant une grande liberté de parole.
Au fil de mes années étudiantes, j’ai expérimenté à plusieurs reprises « l’art » de l’entretien semi-directif. Cette méthode d’enquête m’a toujours beaucoup plu, principalement pour la subtilité qu’elle demande, trouver un juste milieu adapté à chaque interlocuteur pour réussir à entrer dans ses pensées sans pour autant lui induire les réponses, être à l’écoute de ses réflexions, rebondir sur un mot, une hésitation, aller plus loin, comprendre en profondeur.
A cet égard et pour parler en toute honnêteté je dois admettre que réaliser des entretiens avec des personnes réfugiées ne maîtrisant pas la langue française ni anglaise (et moi-même ne maitrisant pas leur langue) fût parfois une expérience assez frustrante. En effet, j’ai à plusieurs reprises eu la sensation que la barrière de la langue, le manque de maîtrise des mots et de la subtilité du langage m’empêchait de rentrer dans l’intimité de mes interlocuteurs comme j’aime beaucoup le faire habituellement (ou plutôt comme j’ai toujours tenté de le faire). Et cela d’autant plus que les sujets que nous abordions lors de nos entretiens touchaient parfois à des ressentis très personnels comme le sentiment de subir des formes de racisme ou encore le manque de certaines choses du pays natal.
Il m’a par exemple semblé à plusieurs reprises que nos interlocuteurs répondaient à nos questions par des phrases très courtes et peu nuancées, non pas parce que cela consistait le fond de leur pensée mais plutôt parce que la barrière de la langue les empêchait d’en dire plus. J’ai d’autant plus ressenti cela lorsque nous avons eu besoin d’un traducteur pour réaliser un de nos entretiens avec un homme d’origine syrienne parlant uniquement arabe. En effet ses réponses se faisaient parfois très courtes, peut-être par souci de ne pas rendre la tâche de notre ami traducteur trop compliquée, ce qui rendait assez difficile la pratique de l’entretien semi-directif et nous amena assez vite à lui poser des questions fermées donnant lieu à un entretien structuré.
Bien que j’ai beaucoup apprécié réaliser des entretiens avec des réfugiés, je ressortirai donc de cette expérience avec le constat qu’il est assez difficile de réaliser des entretiens semi-directifs en tant que tel avec des personnes dont on ne maîtrise pas la langue, cette barrière empêchant à l’enquêté d’exprimer pleinement et librement ses pensées et conduisant l’enquêteur vers un cadre rigide d’entretien, perdant alors un partie de la richesse de l’entretien semi-directif. Il me semble cependant que l’entretien reste possible et pertinent dès lors que l’on a conscience qu’il s’agit de poser les questions prévues dans la grille d’entretien (une à une, dans un certain ordre) tout en essayant d’approfondir les réflexions de l’enquêté quand la maîtrise de la langue partagée le permet.
Enfin, bien que nous n’avions pas encore conscience de ce problème lors du commencement de notre recherche, nous avons dès le départ choisi de réaliser un questionnaire en parallèle de nos entretiens pour récolter des données quantitatives générales sur les participants du projet « Sois mon ami » et se faire une idée globale de leurs motivations à participer à ce projet. Bien que ces données ne soient pas aussi riches et nuancées que des données qualitatives, il semblerait à première vue que le questionnaire (réalisé sur la plateforme Google Form et traduit également en arabe) soit une bonne solution pour pallier la difficulté des entretiens semi-directif avec les réfugiés. Un autre défi persiste cependant : réussir à ce que nos enquêtés répondent au questionnaire, ceux-ci n’ayant pas toujours accès à internet ou à une boite mail !
Voilà j’espère que cette minute méthodologique vous a plu !
Camille Van Durme