Durant l’entretien collectif auquel j’ai contribué en tant que chercheuse, les participants ont lourdement insisté sur le rôle et l’influence qu’ont les médias sur un sujet aussi délicat que celui de la crise migratoire. En posant les questions relatives à la perception des migrants en Belgique, les participants ont d’eux-mêmes très rapidement discuté des informations que les medias apportaient. En effet, plusieurs d’entre eux ont souligné le manque d’objectivité de certains tandis que d’autres mettaient en exergue le surplus ou, au contraire, l’absence d’informations essentielles pour être en mesure d’avoir une vision éclairée de la situation. Après avoir lu et analysé les différentes retranscriptions des autres entretiens collectifs réalisés dans le cadre de la recherche, j’ai été surprise de constater que les mêmes discours y ont été relayés.
A défaut d’avoir accès à la réalité de la situation, c’est-à-dire d’être confrontés aux migrants, les participants s’appuient sur les informations distribuées par les medias de masse. Le sociologue Beck est convaincu que lesdites sources d’information créent un climat d’angoisse émotionnelle au sein d’une « société à risque » [1] en traitant notamment des questions morales, qui fascinent l’opinion publique. Il semble que la crise migratoire soit devenue l’une de ces questions. En jouant un rôle dans l’apprentissage des « savoirs », Joffe montre que les medias de masse organisent un certain climat idéologique [2] : ils assument parfois des dangers potentiellement alarmants en retournant à des représentations sociales précises qui leur permettent une distanciation par rapport au sentiment de menace.
La perception des migrants en Flandre et en Wallonie est probablement fortement influencée par la représentation que les medias de masse « renvoient ». S’ils déclenchent un potentiel climat d’angoisse, il semble que certains discours politiques tendent vers le même objectif.
Pauline Duchêne
[1] Beck, U., (1986/1992), The Risk Society: Towards a New Modernity, Londres, Sage.
[2] Joffe, H., (2003), «Risk: from perception to social representation», British Journal of Social Psychology, 42, p. 55-73.