La dure réalité d’un jeune Malien

Après les premières visites de la maison des migrants, j’ai eu la chance de réaliser quelques entretiens, avec des migrants en situation irrégulière. Leurs conditions et leur mode de vie au sein de ce centre d’accueil m’ont ouvert les yeux.

J’ai d’abord été particulièrement frappé par la personne que j’ai interrogée pour mon premier entretien. Je m’attendais en menant cette enquête à rencontrer des migrants aux parcours difficiles, mais l’histoire de ce jeune migrant malien, âgé de 19 ans, m’a touché.   Ce migrant a quitté son pays il y a un an et demi, après que son frère, qui l’éduquait depuis le décès de ses parents, a été assassiné par les milices voulant imposer la Charia au nord du Mali. Il a donc dû fuir pour la Gambie, puis après plusieurs mois passés là-bas, il a été mis dans un vol pour Bruxelles. Arrivé sur le sol belge, sans un sous, il est immédiatement conduit en centre d’enfermement, où il séjourne trois mois, en accumulant les procédures de demandes d’asiles et les rendez-vous au tribunal. Après ces trois longs mois, son histoire est considérée comme fausse et on lui prie alors de quitter le sol belge. Je l’ai rencontré à la Maison des migrants, le lendemain de cette décision. Il ne disposait alors que de deux jours pour trouver une solution, car comme il me l’expliquait, un retour chez lui signifiait un décès assuré. Son histoire, dans sa globalité est touchante, mais c’est sa situation, sa force et son courage qui m’ont marqué. Ayant sensiblement le même âge, on se sent très rapidement révolté par sa situation. On a envie de lui tendre la main, tout en sachant que notre rôle n’est pas de tout faire à sa place. Mais à mes propositions d’aide il me répondait : « Ne t’en fais pas, j’ai quitté mon pays, j’étais un enfant, aujourd’hui je suis un homme, je vais y arriver ». C’est cette phrase, dans sa situation qui m’a marqué. Marqué car en me mettant à sa place,  je ne peux même pas imaginer tenir un mois avec tout ce qu’il a subi. Et pourtant il continue d’y croire, de prier et de chercher des solutions sans perdre espoir.

Une deuxième chose qui a marqué mon enquête est le fonctionnement de la Maison des migrants en tant que tel. Les cinq personnes qui nous ont accueillis dans le centre, et qui sont donc des migrants, nous ont expliqué le fonctionnement de la maison. Les repas sont gratuits pour tous, tous les soirs de 19h à 22h, le matin la cuisine reste ouverte pour les petits déjeuners. De nombreuses activités sont proposées et les migrants sont censés pouvoir rester autant de temps qu’ils le désirent. Mais l’un des réfugiés que nous avions rencontrés, et interviewé à l’intérieur de la Maison des migrants, s’est confié à nous, au détour d’une rue, par hasard. Il nous expliquait alors que le centre ne fonctionnait pas toujours comme annoncé, que l’équipe de direction s’était, selon lui, « accaparée le pouvoir » et qu’elle avait un « droit de regard sur chaque réfugié ». Les avis des uns et des eux peuvent être divergents, dans un contexte où des choix difficiles doivent sûrement être opérés.

C’est finalement cet avis différent qui m’a marqué, ainsi que la personnalité de certains réfugiés qui nous ont accueillis à bras ouverts, avec un vrai désir de leur part de faire connaître leurs actions.

Paul Chevallier Rufigny

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