« Campo » : des places temporaires devenues permanentes

Le gouvernement fédéral a créé des « campo » afin d’accueillir les demandeurs d’asile arrivant en masse en Belgique. Ces camps organisés au départ de manière éphémère continuent à exister encore aujourd’hui.

La Croix-Rouge a dû faire face à une arrivée rapide et massive de migrants durant l’année 2015. L’association a triplé sa capacité d’accueil passant de 3000 places à environ 9000 places actuellement. Afin d’assurer un accueil convenable, elle a dû engager du personnel et trouver de nouvelles infrastructures. Renaud Mommaerts, adjoint à la direction des demandeurs d’asile de la Croix-Rouge, nous a mentionné la création des « campo » : à la demande du gouvernement fédéral, la Croix-Rouge de Belgique a ouvert des places « campo », c’est-à-dire des places dites temporaires pour répondre à l’afflux d’immigrés arrivés dans notre pays. Dans l’optique d’offrir un toit à tout le monde, Fedasil, l’agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile, avec l’aide de la Croix-Rouge a, dans l’urgence, aménagé des hangars et a installé des tentes pour accueillir les nombreux immigrés. Cette solution, imposée par le fédéral, garantit un séjour de maximum 15 jours/1 mois dans cet inconfort.

La Croix-Rouge, comme nous le précise l’adjoint à la direction, ne partageait pas l’avis des autorités fédérales. Cependant, la décision, avec une certaine pression de l’État, fut prise dans la mesure où il valait mieux leur donner un toit que de les laisser dans la rue. Par ailleurs, l’association a insisté sur le caractère temporaire de cette solution. On peut se demander si cette solution fédérale n’est pas un message indirect et dissuasif d’autres candidats à l’exil. Ces places « campo » sont un réel retour en arrière quant à l’accueil des demandeurs d’asile. Elles prolongent une politique discriminatoire dont les personnes ont été victimes dans leurs pays d’origine et durant leur parcours migratoire survivants à la violence et la précarité.

Pour cette raison et d’autres encore, la Croix-Rouge ne souhaitait pas les logements « campo ». Avant d’accueillir un réfugié, celle-ci met un point d’honneur à avoir une structure minimale pour le recevoir. La loi « accueil » de 2007 impose une couverture des besoins tels qu’un hébergement, de la nourriture, des sanitaires, de l’argent de poche et un accompagnement individuel. L’association va au-delà de la loi car elle juge cette directive insuffisante. Comme nous l’explique Renaud Mommaerts, la vie dans les hangars est parfois bien compliquée et inconfortable. L’intimité des résidants est bafouée : les sanitaires communs sont sous des tentes à l’extérieur. D’autres problèmes concernant la vie en communauté peuvent également surgir, tels que l’extinction des lampes communes à tout l’entrepôt. Dans cette précarité et promiscuité, des tensions éclatent régulièrement. Les travailleurs sociaux de la Croix-Rouge doivent donc gérer cela en plus de l’accompagnement des individus et du travail quotidien.

Les « campo » sont passés d’un statut temporaire à permanent. La Belgique n’a pas trouvé de solutions de relogement pour tout le monde. De plus, de nouveaux migrants affluent fuyant les conditions très rudes de leur pays, épuisés par un voyage physiquement et moralement pénibles et se retrouvent chez nous dans des conditions de vie, de survie déplorables. Cependant, Renaud Mommaerts nous confie que les migrants s’y acclimatent. Ces camps sont équipés de bonnes connexions WiFi leur permettant de rester en contact avec leur famille et de suivre les actualités de leur pays d’origine. Les hangars sont situés à proximité des grandes villes contrairement aux centres d’accueil classiques situés dans des zones plus rurales. Les demandeurs d’asile sont donc libres de voyager en ville et de profiter d’une vie multiculturelle. Il y a donc une remise en question de la Croix-Rouge et de ces conditions d’accueil. Dans un pays comme le nôtre, peut-on se permettre de laisser ces personnes dans un tel inconfort de manière prolongée?

Claire Billion

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