Notre recherche se base sur l’influence des deux réseaux scolaires publics belges : le réseau « officiel » (laïc) et le réseau « libre » (catholique – confessionnel), dans l’accueil des primo-arrivants par les établissements scolaires à Bruxelles.
Lors d’un entretien à l’Institut Cardinal Mercier à Schaerbeek, nous avons, ma collègue Julie Van Ham et moi-même, rencontré et interviewé Marie-Ange, professeure de FLE[1] et coordinatrice des classes DASPA[2] dans ce même établissement. La rencontre se déroulait plutôt bien jusqu’à ce que, suivant notre guide d’entretien préparé à l’avance, nous arrivions aux questions portant plus spécifiquement sur les distinctions entre réseaux « officiel » et « libre ». Cette professeure nous a alors expliqué que, selon elle, il n’existait pas réellement de différences entre les réseaux dans l’accueil des élèves migrants à Bruxelles mais qu’en revanche, le système était tout à fait différent en Wallonie. En effet, à Bruxelles, les écoles qui souhaitent s’inscrire dans un programme d’accueil se proposent volontairement (auprès du ministère de l’enseignement) et il n’y a pas de nombre limité d’école pouvant postuler. Le ratio d’écoles accueillant entre les deux réseaux est d’ailleurs proche de la parité. A contrario, en Wallonie, une école ne peut uniquement accueillir de classe DASPA que si elle est affiliée à un centre Fedasil, c’est-à-dire, un centre d’accueil pour réfugiés en attente de régularisation, situé dans la région. Cela a comme conséquence notable qu’une seule école peut ouvrir un DASPA sur une même aire géographique et que, comme nous l’expliquait Marie-Ange, les écoles wallonnes sont très peu enclines, voire se disputent, pour ne pas accueillir les classes de migrants et être cataloguées comme « l’école des migrants ». Pour en revenir à notre recherche, sur l’influence des réseaux scolaires, cela signifie que, dans les communes rurales wallonnes, possédant toujours, au moins, deux écoles secondaires[3], une « officielle » et une « libre », il pourrait y avoir des différences plus significatives entre les deux réseaux.
La piste des écoles wallonnes était désormais ouverte, et, j’avais de plus en plus envie d’orienter la recherche vers le sud du pays. Mais le cahier des charges, ainsi que la question de recherche que nous nous étions fixés étaient clairs, notre enquête était basée sur Bruxelles exclusivement. De plus, je ne pouvais pas réorienter toute l’équipe de travail (6 personnes) sur un nouveau terrain pour une idée intéressante à creuser. D’autant que beaucoup de travail avait déjà été accompli sur le terrain à Bruxelles et que le temps commençait à presser. Peut-être l’aurais-je fait si j’avais été seul…
Quoiqu’il en soit, plusieurs leçons sont à retenir de ce passage : Premièrement, la recherche scientifique est faite de pistes et d’idées à creuser. Mais, si l’on veut rester cohérent, il faut impérativement faire des choix , peut-être abandonner certaines pistes pour en suivre d’autres et toujours rester centré sur sa question de cherche, aussi frustrant que cela puisse être. Deuxièmement, l’enquête de terrain est faite de contraintes. Contraintes de temps, de possibilité de déplacement et de disponibilité de l’objet à étudier (pour les plus courantes) ou encore contraintes de dynamiques de groupes (les envies et les attentes individuelles). Le tout est de composer avec la contrainte.
[1] Français Langue Étrangère.
[2] Dispositif d’Accueil Scolaire des Primo-Arrivants. Les classes DASPA sont également appelées « classes passerelles ».
[3] Conséquence du pacte scolaire de 1959, qui impose à chaque commune belge de posséder au moins 2 écoles : une de chaque réseau.
Pierre REISENFELD