L’école fondamentale annexée Bruxelles II, au nord de la capitale belge, compte trois classes DASPA, des classes passerelles dédiées à l’accueil des enfants primo-arrivants dans le système scolaire belge. Ses enseignants sont unanimes : depuis le début de la récente « crise migratoire », ils recensent de plus en plus de réfugiés de guerre parmi leurs élèves. Auparavant, dans leurs classes, il y avait surtout des enfants dont les parents étaient venus en Belgique pour des raisons économiques, pour trouver un travail. Aujourd’hui, une part conséquente des effectifs des classes DASPA de cette école du nord de Bruxelles est constituée de Syriens ou d’Afghans ayant fui avec leurs familles un quotidien de violences. Certains élèves de ces classes passerelles ont perdu un parent, parfois même les deux, suite aux conflits armés qui font rage dans leurs pays. D’autres ont effectué toute une partie de leur exode tout seul alors qu’ils n’ont pas plus de 12 ans. Il faut savoir que les mineurs non accompagnés ont plus de chances d’obtenir l’asile politique, du moins, c’est ce que pensent certains parents qui ne rêvent que d’une chose, permettre à leurs enfants de vivre une vie meilleure, moins violente et plus prospère. C’est donc dans un contexte particulier que travaillent les professeurs des classes DASPA depuis quelque temps, comme en témoignent par ailleurs les dessins de leurs nouveaux élèves, dans lesquels les chars et le sang remplacent les super héros ou les paysages ensoleillés.
« Un rang, c’est une suite de personnes placées les unes à côté des autres, disposées sur une même ligne ». Cela peut sembler évident, c’est l’une des premières choses que l’on apprend au cours de notre scolarité. Cependant, pour certains élèves des classes DASPA, au-delà de l’apprentissage de la langue ce sont aussi les règles de l’école qu’il faut parfois découvrir. En effet, dans l’une des classes de l’école fondamentale annexée Bruxelles II, un enfant d’une dizaine d’années a fui la Syrie avec sa famille au début de la guerre civile qui ravage le pays depuis cinq ans. Cet élève avait à l’époque environ cinq ou six ans. Après un long périple à travers le Moyen-Orient, l’Afrique du nord, la Méditerranée et l’Europe, il est scolarisé pour la première fois en Belgique. Les professeurs des classes DASPA ne se contentent donc pas de donner des cours de français ou de mathématiques. Ils doivent également enseigner des règles de vie pour favoriser l’adaptation des enfants à une nouvelle institution mais aussi à une nouvelle culture et à un nouvel environnement.
Le mardi qui a suivi les vacances de printemps nous avons eu l’opportunité d’effectuer une journée d’observation dans les classes DASPA de l’école annexée Bruxelles II. Pour les « Primos 2 » (âgés de 10 à 12 ans), au programme du jour : le champ lexical des émotions. Comme exercice le professeur demande aux élèves de faire des phrases avec les mots qu’ils viennent d’apprendre durant la leçon. La plupart ne parlaient pas français quand ils sont arrivés en septembre et ont fait des progrès fulgurants. L’une des élèves lève la main et déclare fièrement : « Je suis contente parce que les vacances sont finies ». Le professeur donne ensuite la parole à un autre enfant qui a dû fuir la guerre, il dit : « Je suis triste parce que j’ai quitté ma maison». L’enseignant demande ensuite à cet enfant s’il aimerait rentrer dans son pays lorsque la guerre prendra fin. Ce dernier acquiesce. Vient le moment de la récréation, nous discutons avec le professeur de cette dernière intervention. Il est formel. Ces enfants qui ont fui les horreurs de la guerre, ainsi que certains des parents avec lesquels il a eu l’occasion de discuter, ne souhaitent qu’une chose, pouvoir rentrer chez eux.
Aider des enfants qui ont connu la guerre, les difficultés de l’exil, et qui parfois découvrent l’école en plus de devoir apprendre une nouvelle langue, tout en s’adaptant à une nouvelle culture et à un nouvel environnement : tel est le quotidien de ces enseignants de classes DASPA ces derniers temps. De toute façon, quel que soit le passé et les raisons de la venue en Belgique de leurs élèves, l’objectif de ces professeurs reste le même : favoriser l’épanouissement de ces enfants sans les pousser à mettre de côté leurs origines.
Marius Bihel