Bien qu’elles s’occupent toutes les deux des enfants primo-arrivants, Madame C. et Madame P. ont des avis bien différents quant à l’intégration de ces derniers. Tandis que la dernière trouve cette étape primordiale, la première pense au contraire que les primo-arrivants pourraient s’en passer.
Madame C. trouve que les classes Daspa sont certainement très utiles pour ces enfants qui atterrissent dans un espace qui ne leur est pas familier. Cependant, elle affirme avoir déjà suivi plusieurs enfants primo-arrivants qui ont été directement placés dans le système scolaire classique et qui ont très bien réussi leur intégration. Son principal argument est de dire qu’il s’agit d’enfants et qu’à cet âge, on ne se pose pas beaucoup de questions. Par conséquent, l’intégration scolaire et sociale se fait automatiquement.
Madame P. semble être très impliquée dans le projet des Daspa. D’origine étrangère, elle a toujours eu des difficultés pour réussir le français durant son cursus scolaire. De plus, ses professeurs ne lui ont jamais accordé le temps nécessaire pour comprendre ses difficultés et l’aider à les dépasser. Par conséquent, Madame P. affirme n’avoir jamais réussi à trouver sa place à l’école. Ce système qui obligeait tous les élèves à avancer au même rythme ne lui convenait pas, et elle était loin d’être la seule! Ayant pendant longtemps souffert de cette intégration directement dans le système scolaire, Madame P. était donc convaincue que cette méthode n’aidait en rien les primo-arrivants. Tous ces facteurs réunis vont la pousser à suivre une formation d’institutrice. Son objectif ultime est de pouvoir suivre et aider les enfants primo-arrivants à apprendre le français pour réussir par la suite leur intégration scolaire et sociale. L’une de ses premières convictions est que chaque enfant doit disposer du temps et de l’espace nécessaire afin d’évoluer à son rythme. Pour cela, elle décide de mettre en place sa propre méthode d’enseignement. En quittant leurs pays, leurs cultures, leurs familles, ces enfants entrent dans une phase de deuil selon Madame P. Ce deuil n’est pas facile et chaque enfant réagit différemment face à ce dernier. Il est donc nécessaire d’accompagner l’enfant durant cette période. La classe Daspa diffère des autres car il s’agit d’un lieu d’accueil pour ces enfants. C’est un endroit ou chaque enfant doit réussir à se construire une place ! Une place tout d’abord au niveau de la classe, puis dans la cour de l’école, dans le quartier ensuite, et dans la société plus tard. Il est alors impossible pour Madame P. que l’enfant s’intègre sans passer par la Daspa.
Selon Madame P., il est également nécessaire de mettre en place un système éducatif adapté à ces enfants primo-arrivants. Venant d’horizons différents, la meilleure manière de commencer leur apprentissage est de les pousser à pratiquer la langue oralement. Pour cela, elle s’appuie sur plusieurs supports visuels tel que les dessins, peintures, images, etc. En procédant ainsi, les enfants gagnent petit à petit confiance en eux, et finissent par trouver une langue commune pour communiquer. Il était intéressant durant la journée d’observation que j’ai passée avec elle de voir comment Madame P. se comportait avec les primo-arrivants. En effet, elle double d’effort afin de pouvoir accorder à chaque enfant le temps et l’attention suffisante pour s’exprimer et se sentir à l’aide dans la classe. Elle n’accepte pas le fait qu’un enfant soit isolé des autres ou qu’un autre occupe une place plus importante dans la classe comparé à ses camarades. Bien que ce système ne permette pas l’intégration de tous ces enfants primo-arrivants, Madame P. reste convaincue qu’il reste la meilleure manière d’aider et de faire avancer ces enfants dans ce milieu qui leur est étranger.
Sassry Ould Mahmoud