Pour notre enquête de terrain, qui a porté sur l’évolution du camp de Grande-Synthe, nous nous sommes concentrés sur ses principaux gestionnaires, c’est-à-dire les associations et les représentants de l’État. Nous avons donc travaillé sur des groupes d’acteurs et non pas sur des individus. Cette décision découlait de notre choix de consacrer notre rapport sur les relations qu’ils entretiennent. Mais au niveau personnel ce qui me frappe toujours c’est le rôle joué par les individus à l’intérieur de ces associations, vu qu’elles se constituent autour de la volonté de certaines personnes et que les rapports de force que nous avons analysés se forment autour des liens directs entre les gens.
Ayant travaillé moi-même comme bénévole pour la Plateforme d’aide au réfugiés (Hall Maximilien), je suis toujours frappée par les raisons qui poussent certaines personnes à s’impliquer et d’autres à fuir le problème. J’aimerais donc apporter ma réflexion sur ceux qu’il faut à mon avis considérer comme les acteurs principaux du camp, c’est-à-dire les bénévoles. Très naturellement j’ai été amenée comparer ce que je connaissais déjà du fait de mon expèrience et ce que j’ai vu sur le camp de la Grande-Synthe.
Tout d’abord j’aimerais définir le concept de bénévole. Il s’agit de personnes qui décident de mettre à disposition leur temps pour la résolution d’un problème, pour une cause, pour des motivations les plus différentes, sans recevoir aucune rémunération.
A Grande-Synthe, il y a de nombreux bénévoles, de différentes nationalités. Il est frappant d’observer l’engagement de personnes qui ne sont pas directement touchées par la crise migratoire, quand on sait combien il est difficle de rassembler des gens qui se trouvent face à la nécessité d’agir. En effet au Hall Maximilien, la plupart des bénévoles viennent de la ville de Bruxelles et ils ont décidé de s’engager puisque ils étaient face à face avec les réfugiés, qu’ils les voyaient tous les jours dormir sur leur trottoir. Il est vrai que la situation de Grande-Synthe a été beaucoup plus médiatisée et c’était justement à ce moment-là que les réfugiés ont commencé à arriver en masse. Dans tous les cas, c’est la découverte de la situation, que ce soit par les écrans télévisés ou que ce soit dans notre quotidien, qui peut bouleverser les consciences.
J’ai pu retrouver ces mêmes impressions dans plusieurs entretiens que nous avons, par exemple avec la représentante de Emmaüs. Elle-même bénévole, elle a évoqué à plusieurs reprises la contribution d’activistes provenant de toute l’Europe et du Canada, surtout à partir du mois de septembre 2015.
A part des Anglais, qui sont plus directement touchés par la question, on retrouve des Néerlandais, des Belges, des Canadiens etc. J’étais fascinée par leur décision d’intervenir dans un autre pays, ce qui est différent de la situation à laquelle j’étais habituée.
Notamment cela pose un problème au niveau de langue, de la communication, de la façon de concevoir le bénévolat et la mise en place d’une action concrète. Malheureusement cet aspect international du bénévolat ne plaît pas à tout le monde. Par mon expérience, j’estime que cette difficulté est strictement liée aux rapports personnels entre ceux qui travaillent sur le camp et se reflète au niveau associatif. On crée des amitiés, même des liaisons, mais aussi des rivalités à mon avis injustifiées vu que l’on travaille tous pour la même cause qui est le bien-être des réfugiés et pas l’affirmation de notre rôle. Encore pire cela génère du chaos dans la gestion du camp et dans la prise de décision, autant que dans la communication avec l’État.
Mais quoiqu’il arrive, les bénévoles sont là. Ils agissent. Ils n’ont pas d’expérience, ils n’ont pas d’instruments, ils ont seulement du temps à consacrer. Et cela me mène à poser la question : pourquoi l’État, qui aurait l’expérience et les instruments nécessaires ne donne pas de son temps à cette cause.
Marella Tassini