Le projet “ Sois mon ami” est né de l’idée d’intégrer les réfugiés au sein de la société belge. Une intégration qui ne voulait pas procéder d’une aide unilatérale et verticale des participants vivant en Belgique envers les réfugiés, mais plutôt d’un échange horizontal entre les deux, afin qu’une réelle amitié puisse s’instaurer.
La connaissance approfondie du programme, que nous avons acquise grâce aux questionnaires et aux entretiens effectués, nous amène à une réflexion légitime : est-ce que cet objectif a été achevé ou sa réalisation est-elle encore distante ?
Bien que le nombre d’inscrits au programme soit élevé, le nombre de tandems qui ont vu le jour en décembre et ont persisté jusqu’aujourd’hui est limité. Quel est donc l’obstacle principal qui empêche la rencontre entre les participants ?
Parmi les raisons que l’on peut envisager, une attention particulière doit être dirigée vers les participants réfugiés, en effet les inscriptions au programme sont possibles à travers la page Facebook du projet « Sois mon ami » ou directement en se présentant au Hall Maximilien de la Plateforme Citoyenne. On constate que, si d’une part la page Facebook est rédigée uniquement en anglais et que tous les réfugiés n’ont pas accès à internet, de l’autre, la plupart des réfugiés inscrits au programme sont ceux qui participent régulièrement aux activités de la Plateforme. La première difficulté à laquelle le projet « Sois mon ami » doit faire face est donc celle de pouvoir avoir accès aux réfugiés plus éloignés, à ceux qui ne parlent pas anglais et préfèrent rester avec les personnes de leurs propres origines mais aussi à ceux qui n’en ont pas connaissance ou ne peuvent pas se rendre à la Plateforme.
Cependant, la langue ne semble pas être le seul obstacle. En effet, les participants réfugiés inscrits au programme et capables de communiquer en anglais n’ont souvent pas beaucoup d’intérêt à rencontrer leur binôme, cela s’explique par le fait qu’ils se considèrent déjà partie de la société belge, grâce à la maitrise de la langue et grâce aux rencontres rendues possibles par les activités de la Plateforme.
L’entretien avec un réfugié, bénévole à la Plateforme, témoigne de cette affirmation. Il nous raconte ne pas avoir voulu rencontrer le tandem qui lui était proposé puisqu’il se sentait déjà parfaitement intégré à Bruxelles, n’ayant pas ressenti le besoin de connaitre un inconnu pour avoir un nouvel ami. Comme lui, beaucoup d’autres participants, nous explique la coordinatrice du programme, sont des réfugiés qui participent aux activités de bénévolat de la Plateforme. En effet ils représentent une aide précieuse pour la Plateforme étant donné que la traduction est essentielle pour pouvoir offrir les services basiques aux nouveaux arrivants. Si quelqu’un d’entre vous a eu l’occasion d’aider ou seulement de passer par le Hall Maximilien, il aura surement été surpris par la parfaite intégration entre bénévoles réfugiés et bénévoles locaux. L’amitié et le partage de cultures étaient manifestes, et les réfugiés plus ouverts et avec une bonne maîtrise de la langue anglaise ont eu la possibilité de s’intégrer et de rentrer dans la vie des citoyens belges.
Nous avons également eu la possibilité d’interviewer un réfugié, bénévole à la Plateforme, qui a instauré une réelle amitié avec son binôme. La passion pour l’art a été le principal facteur, qui a fait qu’un simple café se soit transformé par la suite en un concert vu ensemble, une pièce de théâtre et de nombreuses expériences de vie partagées. Le participant réfugié nous explique ne pas avoir participé au programme pour se sentir intégré dans la société. « I just wanted to have one more friend » est la raison qui l’a poussé à rencontrer son tandem. D’ailleurs la Belgique lui a déjà permis de réaliser son rêve : jouer du luth et être connu pour sa musique.
Dans ce cas, le projet « Sois mon ami » a permis la naissance d’une vraie relation d’échange, mais il n’a pas réussi dans son objectif d’intégrer une personne marginalisée et avec un réel besoin d’entrer en contact avec les citoyens belges et leur style de vie. Et c’est ceux-là qu’il faut accompagner et aider à permettre de rencontrer leur tandem. Pour pouvoir rendre effectif l’échange, il est donc envisageable d’arriver à toucher et à impliquer les réfugiés les plus éloignés, qui, malgré la barrière de la langue, sont désireux de s’intégrer au sein de notre société.
Veronica Lari