La solidarité c’est comme la musique. Ça donne une âme à nos cœurs et des ailes à la pensée. D’accord, c’est Platon parlant de musique, mais c’est ce qu’évoquait en moi cette profusion d’altruisme.
J’ai observé, j’ai lu, j’ai aidé aussi, un peu. C’est dingue. Les gens sortent de chez eux un bon matin et se disent « aujourd’hui je vais donner du temps à une personne qui vient de l’autre bout de la Terre ». Des bénévoles. Ils viennent aider au parc Maximilien, au Hall Maximilien, devant l’Office des étrangers. Ils traversent le pays aussi, je veux dire la Belgique. Parfois ils passent même la frontière, ils vont jusque Calais. Ils font des kilomètres pour aider des réfugiés. Ceux qu’on voit dans les journaux, ceux qui triment sur la route, ceux qui sont bloqués aux frontières. Ceux qui fuient la guerre. Ceux qui attendent durant d’interminables heures qu’on leur accorde le droit de rester sur un sol où règne la paix, entre deux attentats, on n’est plus en paix nulle part au fond. Mais c’est mieux que les bombes, les prisons d’État, les attentats quotidiens.
J’ai parlé avec Bruno, un idéaliste me semble-t-il. Il est affilié à Amitié Sans Frontière, un collectif qui organisent diverses actions relatives aux réfugiés. Tout comme moi et de nombreux autres, Bruno est subjugué par l’élan de solidarité citoyenne qui se déploie en Belgique. L’accueil des réfugiés, ce n’est plus, et heureusement quand nous voyons le débat que cela engendre, une affaire d’État. C’est aussi, moi, vous, eux. C’est beau à écrire, à lire. Mais avant tout c’est la vérité. Dès septembre 2015, conscientisée, une opinion publique s’est mobilisée et a été favorable à l’accueil des réfugiés, j’ai bien dit publique, pas médiatique, ni politique. Des esprits se sont mis à penser, des cœurs se sont mis à grandir. Des citoyens se sont souvenus qu’ils avaient un rôle à jouer vis-à-vis de citoyens d’autres contrées. Puis il y a eu la fermeture du parc. J’ai cru à la fin cet engouement pour l’aide. Mais j’ai eu tort.
Aujourd’hui, des citoyens engagés continuent à aider les réfugiés, certains luttent même à leurs côtés. Et quand je dis citoyens, je ne dit pas simplement, tout belge reconnu par l’État, je parle aussi de tous les autres, ceux qui endossent ce rôle, qui remplissent les devoirs, sans avoir les droits qu’ils revendiquent en vain. Je parle aussi des bénévoles qui ne font pas la Une, de ceux qui ouvrent leurs maisons, de ceux qui donnent des vêtements, de ceux qui offrent leurs talents, leurs compétences et bien d’autres choses pour permettre à ces citoyens venus d’ailleurs, poussés hors de chez eux, de trouver une terre d’accueil et non une terre hostile. Des collectifs, des associations sont nées, et continuent à éclore à travers le pays pour épauler les réfugiés, et d’ailleurs bien d’autres démunis. Si la « crise migratoire » comme la nomme les polémistes c’est aussi ça, et bien, quelle aubaine pour la citoyenneté !
Je lève mon verre de bière, oui de bière belge, il paraît que c’est une première dans le monde cette mobilisation citoyenne. Si c’est faux, tant pis. Je suis fière de ce que je constate, de ce que j’entends pour l’instant en Belgique, en dehors des propos politiques, des comptes-rendus médiatiques. La solidarité est en marche, la citoyenneté s’éveille, la peur de l’immigration s’amenuise, qui sait.
I MDM