La vague migratoire que connaît l’Europe aujourd’hui remue notre société, et parfois nos à priori. C’est en tous cas l’effet qu’a le programme « sois mon ami » sur les participants vivant en Belgique, qui tous nous ont parlé de « j’ai réalisé que », de « je ne m’attendais pas à ça », de « ça pourrait vraiment être moi à sa place ». Grace à ce contact direct avec un réfugié, les participants nous montrent que les informations dont les médias nous abreuvent forgent des préjugés dans notre société qui n’ont pas lieu d’être. On nous a parlé d’images diffusées qui donnent l’impression d’être face à une réelle invasion du type « World War Z », de catégories du droit international (réfugiés politiques ou économiques) qui ne correspondent pas à la réalité, ou encore de normes de salubrité trop rigides créant un frein à l’installation des réfugiés.
Autrement dit, il semblerait que pour beaucoup des participants belges, le programme « Sois mon ami » leur a ouvert les yeux sur des détails du quotidien des réfugiés, des détails inaccessibles pour la majorité des citoyens belges, mais des détails qui pourtant peuvent faire changer d’avis sur la crise migratoire et l’accueil de ces réfugiés chez nous.
Mais qu’en est-il de l’entourage de ces participants ? Comment les parents, colocataires, amis ou enfants réagissent à l’idée que leur proche soit en contact direct avec un réfugié, l’invite chez lui, et ce dans le contexte de l’image qu’a le réfugié aujourd’hui – image, malheureusement, souvent d’homme agressif, envahissant, non intégré, somme toute dangereux et dont il faut se méfier. Certains nous ont parlé de leur famille, déjà engagée de tous les côtés par rapport à la cause des migrants, ce qui les a encouragés à s’inscrire au programme « sois mon ami ». Mais d’autres nous ont parlé de disputes avec des amis proches, de méfiance de la part des membres de la famille, qui ne comprennent pas, ou n’ont pas les mêmes valeurs. Dans ces cas-là, on se demande d’où vient cette idée qu’il est irréprochable aux yeux de certains d’aider les plus démunis du pays, mais que l’aide aux étrangers, et qui plus est une aide personnelle et intime (et non par exemple simplement financière), soit capable de jeter un froid entre deux amis de longue date. Est-ce l’image relayée par les médias ? Par nos politiciens ? Par notre éducation ? Dans tous les cas, c’est avec les réactions de l’entourage que l’on se rend compte à quel point cette image négative est présente dans notre société. Mais c’est avec des programmes comme « sois mon ami » que l’on réalise également que ces images négatives se combattent et sont capables de changer. Ainsi, on nous a aussi parlé de situations où l’engagement de l’un a poussé son entourage à s’engager à son tour, de situations où ces tandems créés par « sois mon ami » ont fait ouvrir les yeux sur la situation migratoire non pas au participant uniquement, mais à sa famille aussi. On nous a parlé encore de collocations où dorénavant le binôme réfugié est le bienvenu, l’ouvrant alors à tout un potentiel groupe d’amis, un pas indispensable vers l’intégration dans la société belge où il s’est installé.
Le programme « Sois mon ami » a cela de particulier qu’il crée une relation proche entre un réfugié et un participant local, de sorte que l’on n’est pas face à un réfugié mais face à une personne tout simplement, un potentiel ami, une situation comme celle où un ami pourrait nous demander d’aider son frère qui s’installe dans notre ville. Dès cet instant-là, tout l’imaginaire du réfugié abrité sous une couverture disparaît, pour le participant comme pour son entourage, et ce pour laisser place à tout le potentiel présent dans la rencontre avec l’autre.
Joséphine de Tonnac