De la création de la Communauté européenne du Charbon et de l’Acier (1951) à l’Union européenne (1993) en passant par la création de l’espace Schengen (1985), on observe une mutation de la perception des « étrangers ». En effet, force est de constater que « l’harmonisation des politiques migratoires européennes répond de façon contradictoire aux mobilités internationales. »1 Afin de garantir une libre circulation au sein de l’espace Schengen, il semble nécessaire d’amplifier le contrôle des frontières extérieures, entravant davantage la circulation des personnes ressortissants des pays tiers. C’est ainsi qu’à travers l’évolution de l’immigration en Belgique, s’observe une définition spatiale mouvante de ce qu’est « l’étranger ». En effet, au début du XIXe siècle, les « Flamands », allant travailler en Wallonie, étaient – également – considérés comme des étrangers, statut dont ils sortiront à l’arrivée d’une main d’œuvre provenant des pays voisins, tel que l’Italie. Suite à la création de la communauté européenne, les Italiens sont sortis de cette catégorisation. Il en sera de même pour les Espagnols, Portugais, Grecs, qui seront peu à peu, avec leur intégration à l’Union européenne, considérés comme des Européens, s’inscrivant dans une dynamique supranationale. Cependant, cet ordre spatial de ce qu’est l’étranger a renforcé l’exclusion des pays, dits tiers, qui n’ont pu échapper au maintien de cette stigmatisation. C’est ainsi que, comme le souligne Serge Weber, « la frontière extérieure Schengen peut être vue comme un rideau de fer d’un type nouveau, au nom même de la défense du privilège de circuler librement réservé aux ressortissants autorisés. « L’ordre spatial » européen correspond donc à un nouvel « ordre social » […] qui exerce une force de plus en plus hégémonique sur les relations internationales des pays membres avec les pays tiers. »2
Laurence Grun, Avril 2016
1 WEBER Serge, « D’un rideau de fer à l’autre : Schengen et la discrimination dans l’accès à la mobilité migratoire », in Géocarrefour, vol.84/3, 2009, p.163
2 Ibid., p.171