La question migratoire est ardemment débattue mais malheureusement très mal comprise. La majorité des préjugés sur les flux migratoires se basent sur des mythes et non des faits. C’est d’ailleurs pour cette même raison que les politiques destinées à les diminuer échouent. Il est temps que nous apprenions à voir l’immigration non comme « un problème à résoudre » mais plutôt comme un résultat intrinsèque et inévitable de la mondialisation mais aussi du développement de la société humaine.
Lors des mes entretiens au Ciré et à l’Actiris, j’ai eu l’occasion de discuter du rôle des médias dans la crise migratoire. Les personnes que j’ai interviewées m’ont toutes informée qu’elles se méfiaient des informations relayées par les médias. Selon elles, la plupart des médias veulent faire du buzz, faire du sensationnalisme, c’est pourquoi elles trouvent les articles publiés très biaisés. Pour elles, l’information est filtrée et même fausse parfois. J’ai pu discuter de la crise migratoire « sans précédent » avec une employée de Ciré d’origine kosovare. Il y a 17 ans, elle a quitté l’ex-Yougoslavie pour la Belgique lors du conflit bosniaque. Elle m’a alors appris que durant cette période, la situation de l’immigration de masse en Europe était bien pire. C’est pourquoi j’ai décidé de me pencher un peu plus sur la question de savoir si on assiste vraiment à crise migratoire « sans précédent » ou non.
En effet, depuis le début des flux migratoires en provenance du Moyen-Orient, les médias mettent l’accent sur le nombre significatif de migrants qui viennent en Europe. Les chaînes d’info, les journaux et les réseaux sociaux sont tous envahis de photos montrant des hommes, des femmes et des enfants, entassés comme du bétail dans des camps ou derrière des grillages à la frontière serbo-hongroise. L’information relayée est toujours la même : cette vague d’immigration de masse est sans précédent ! Mais est-ce vraiment le cas ?
Pour trouver la réponse, j’ai décidé de faire des recherches, de vérifier les chiffres et de ne pas me fonder sur la majorité des articles que l’on peut trouver un peu partout sur internet. Pourquoi ? Parce que l’idée que l’on assiste à des migrations de masse sans précédent et que les pays développés sont particulièrement touchés m’est inconcevable.
Une étude faite par Hein de Haas, co-directeur de l’Institut de Migration internationale (IMI), démontre que le taux des flux migratoires dans le monde est resté stable. En effet, le nombre absolu de migrants internationaux a presque doublé entre les années 1920 et 2000 mais la population mondiale a aussi augmenté au même rythme. Près de 3% de la population mondiale sont des migrants internationaux, ce chiffre est resté constant au cours du dernier demi-siècle. Il est donc erroné de dire qu’on assiste à une augmentation des taux migratoires.
En ce qui concerne le cas de l’Europe, Hein de Haas a souligné que, bien que le nombre de migrants en Europe ait fortement augmenté, on ne peut pas parler de crise migratoire « sans précédent ». En effet, pendant la guerre des Balkans, les chiffres des flux migratoires étaient beaucoup plus conséquents. Par ailleurs, la plupart des migrants se trouvent dans des pays en voie de développement (Asie et Afrique) et non dans des pays riches. En effet, seulement 10% des réfugiés syriens viennent en Europe, le pourcentage restant demeure en Turquie, en Jordanie et au Liban. La Turquie compte à elle seule plus de 2,9 millions de réfugiés syriens. Ce sont donc ces pays-là qui sont « assiégés » et non l’Europe. On ne peut donc ni parler d’exode ni d’une invasion.
Pour conclure, nous devons « reconceptualiser » l’immigration. Nous devons arrêter de la voir comme un « bon » ou « mauvais » processus mais plutôt comme un phénomène naturel et normal. Le processus de migration existe depuis l’âge des glaces, elle est inscrite dans notre ADN, et la diaboliser entraverait le développement humain et social dans le monde.
Nazanin NEJATI
Bibliographie
Hein de Haas & Mathias Czaika 2014 |
« The Globalization of Migration: Has the World Become More Migratory? » |
Hein de Haas 2015 |
« Behind the Headlines: Investigating the drivers and impacts of global migration » |