Le 18 avril, dans Le Petit journal de Canal +, on a pu entendre Martin Schultz, le président du Parlement européen, avec un petit accent allemand, nous dire : « Si on met 1 million de réfugiés parmi 500 millions d’européens (population totale des 28 membres de l’Union européenne), ça ne change rien. Si 22 membres ne veulent pas participer alors ça pose un problème. ». Simple et efficace, cette déclaration éclaircit, non seulement, la problématique autour du flux migratoire actuel mais également, celui d’une Union européenne encore tiraillée par des nationalismes capricieux. Malgré les grands débats qui tiraillent l’Union européenne, ces dernières années, on ne peut étrangement que remarquer la très faible visibilité des responsables européens dans les médias.
Cette constatation personnelle m’a permis de mettre en lumière une convergence qui traverse les différents entretiens que mes collègues et moi avons menés et retranscrits : le pouvoir des médias. La responsabilité des médias. La sémantique divergera selon les interlocuteurs mais l’idée est là et elle a refait surface en moi, comme si elle était restée latente dans mon inconscient. Afin d’illustrer ces propos, j’ai choisi de laisser la parole à deux acteurs qu’à première vue « presque » tout sépare. Presque parce que tous deux ont consacré de nombreuses semaines au parc Maximilien pour venir en aide aux réfugiés, présents aux prémisses du parc jusqu’à sa fin, ils sont revenus avec nous sur cette expérience.
La « fraîchement » diplômée de l’université, en recherche d’emploi dans le domaine de la science politique et citoyenne belge, nous confiait comment les médias avaient permis au parc de se maintenir contre l’opinion des politiques : « Ce sont les médias qui ont fait de nous des gagnants dans la négociation. Parce que s’ils voulaient ils auraient pu nous dégager en une heure de temps. Mais on était tellement relayé, avec l’opinion publique de notre coté que ça devait inimaginable qu’ils nous fassent déguerpir de manière trash. » Elle ajoutait que ce relai médiatique avait de manière plus globale donné une opinion nouvelle et surtout positive des réfugiés qui étaient alors souvent associés à une image négative voire de criminalité. Impliquée avec la plateforme citoyenne dans plusieurs manifestations, elle nous donnera ce chiffre à titre de comparaison : « (…) la manifestation qu’on a fait, à cette époque, a ramené 20 000 personnes alors que celle du 27 février, sans le camp ni les médias, bien que toujours organisée par des gens de la plateforme, a fait 4000 personnes. On voit très bien donc que quand tu es relayé de manière positive, le soutien de la population est complètement différent. Moi, je crois que les médias ont un gros rôle à jouer pour l’instant et qu’ils ont une part de responsabilité non négligeable dans ce qu’il se passe maintenant. »
Le bénévole et co-fondateur d’un collectif de sans-papiers luttant contre le gaspillage alimentaire au profit des personnes précarisés, nous affirmait qu’il fallait se poser les vraies questions. En effet, selon lui, la volonté et les mouvements existent mais « il y a une trop grande fragmentation des initiatives, elles n’ont pas le poids pour faire bouger le gouvernement ». Ma collègue et moi eûmes alors, cette question spontanée et finalement très innocente, le fameux « Mais comment alors ? ». Nous avons alors écouté religieusement l’éloquente réponse de notre interlocuteur, non sans surprise : « Les médias ne font pas leur job. Moi, en tant que citoyen belge, je vais voter pour un programme, pour un parti politique, pour un gouvernement parce que c’est mon boulot de voter, de manger avec mes enfants et de regarder le journal télévisé ? Non, mon boulot c’est de continuer à mettre la pression sur le gouvernement parce que le gouvernement à des comptes à rendre aux citoyens. Nous, on laisse faire parce que c’est plus facile. Quel genre d’individus on est devenu ? Maintenant, on est devenu : chacun tranquille dans sa bulle. On est tellement plongé dans un système de consommation qu’on consomme l’information comme le reste, docile, on ne va plus dans la recherche. L’esprit critique n’existe plus. »
Pour conclure cette réflexion, nous sommes confrontés tous les jours à une multitude d’informations, notre opinion est, aujourd’hui, construite de ces informations qui nous viennent, automatiquement, souvent sans même les avoir demandées. C’est pourquoi, il était pour moi essentiel de relever le poids de la médiatisation et de la distribution d’informations sur les problématiques et sur les acteurs eux-mêmes. Et ce, parce que notre génération n’est pas encore assez consciente qu’elle peut utiliser sa proximité avec les réseaux sociaux et les nombreuses sources d’informations alternatives disponibles sur la toile, comme une force dans sa lutte pour le changement et comme instrument pour aiguiser son opinion.
Mila Gatti