Au cours de nos recherches préliminaires, nous sommes tombés à plusieurs reprises sur l’affirmation selon laquelle les élèves primo-arrivants, une fois sortis des sections français langue étrangère (FLE), étaient souvent relégués vers l’enseignement technique ou professionnel.
Ces assertions renvoient aux questions du nivellement de l’enseignement belge et de la discrimination entre les filières. Cependant je laisserai ce grand débat de côté, pour me concentrer sur la question du devenir des élèves primo-arrivants après leur sortie de la section FLE.
Nous avons donc tenté de savoir si ces assertions recouvraient une part de vérité ou si elles relevaient du lieu commun. Le personnel enseignant que nous avons rencontré ne semble pas entièrement d’accord avec ces allégations. Quand nous lui posons la question, Marie-Ange coordinatrice DASPA et professeure de français langue étrangère (FLE) à l’Institut Cardinal Mercier nous répond : « Pas chez nous ! Mais, c’est un combat perpétuel parce que ce n’est pas toujours facile à faire accepter par les collègues qui donnent cours dans les classes d’enseignement général. Mais chez nous, ce n’est vraiment pas le cas ! Et d’ailleurs, (…) si on prend, par exemple, la classe de 4e générale, sur 20 élèves, 14 viennent des classes FLE et 6 viennent des classes « traditionnelles ». (…) ça commence à rentrer dans les mœurs. Dans notre établissement, notre section générale est nourrie par les élèves primo-arrivants (…) et cette section est vraiment accessible aux élèves primo-arrivants. Cela n’a pourtant pas toujours été facile à faire accepter, mais on n’est pas du tout dans une école qui relègue les élèves primo-arrivants dans les filières techniques ou professionnelles.». En fait, Marie-Ange et ses collègues encouragent les ambitions de leurs élèves. Ils essaient de faire en sorte qu’ils « soient le mieux armés possible pour pouvoir continuer des études en Belgique. » Ils veulent : « faire en sorte qu’ils puissent aller à l’université ou faire des études supérieures, s’ils en ont envie. (…) »Marie-Ange ajoute : « C’est vrai que nous essayons de mettre la barre assez haut en termes de contenu parce qu’on pense que c’est ce qui peut leur rendre le plus service et leur ouvrir un maximum de portes par après, pour qu’ils ne soient pas limités à cause du français dans leur choix d’étude. ». L’équipe de l’Institut Cardinal Mercier et les autres équipes enseignantes que nous avons rencontrées ne semblent pas vouloir limiter les perspectives d’avenir de leurs élèves primo-arrivants, que du contraire !
Cependant, le problème peut apparemment, se poser un peu plus tard dans le cursus de ces élèves. A ce propos, Marie-Ange déplore que : « dans beaucoup d’école, ils ne sont pas du tout les bienvenus ! On a des élèves qui étaient dans des très bonnes écoles dans leur pays, et ils arrivent ici en DASPA et, au bout d’un an, (…) ils cherchent à intégrer les meilleures écoles de Bruxelles. Malheureusement, ils ne sont souvent pas très bien reçus, parfois ils sont même mal reçus…(…) Il y a quelques écoles avec lesquelles je communique plutôt bien (…). (Marie-Ange aide ses élèves les plus motivés dans leurs démarches pour intégrer les « meilleures » écoles de Bruxelles.). Cependant, il y a pas mal d’élèves qui ont essayé de s’inscrire par eux-même dans ces écoles et elles n’ont pas voulu d’eux. ». Selon Marie-Ange, cette situation tient au fait que « tout le système de l’enseignement belge est structuré comme cela, avec des écoles qui tiennent absolument à avoir une dynamique très élitiste.». Cette approche élitiste, un peu vieillotte de l’enseignement ne semble pas pénaliser uniquement les élèves primo-arrivants. Il semble être plus que temps, de débattre des méthodes pédagogiques en vigueur dans l’enseignement de la communauté française. Ne devraient-elles pas favoriser la méritocratie et l’épanouissement personnel plutôt que la reproduction sociale ? Les pays scandinaves ont revalorisé les filières techniques et professionnelles depuis plusieurs années, avec beaucoup de succès en matière de méritocratie et d’intégration sociale. Peut-être serait-ce là la voie à suivre ?
Julie Van Ham