Dans le cadre de notre enquête portant sur le thème de la « crise » migratoire, je souhaiterais parler de la représentation que l’on peut avoir des réfugiés ainsi que du changement de point de vue que m’a apporté mon stage d’observation participante au centre d’accueil de mineurs de Woluwe-Saint-Pierre (Fedasil). Une des raisons principales qui m’ont poussé à effectuer un stage d’observation participante était qu’il me paraissait très important d’avoir un minimum de connaissances de ce qu’est un centre d’accueil pour réfugiés afin de pouvoir en parler de manière rigoureuse. Bien que je ne sois pas resté suffisamment longtemps pour détailler avec précision la situation dans toute sa complexité, cela m’a néanmoins permis de dégager une vision globale et de repérer un certain nombre de points importants.
C’était la première fois que je me rendais dans un centre d’accueil pour réfugiés et je me demandais ce que j’y trouverais, particulièrement dans un centre pour mineurs. Je pensais par ailleurs n’avoir aucun a priori. Pourtant, en arrivant dans le centre j’ai été surpris d’y trouver des jeunes vaquant à leurs occupations, qui sortent, vont à l’école, regardent des films, et bénéficient d’une certaine indépendance. Finalement, rien qui ne sorte de l’ordinaire, pourtant, cela m’a étonné.
Sans en avoir conscience, je m’étais créé une image de ces jeunes, à tel point que j’étais parfois surpris de les voir agir comme des enfants, alors que ce sont bien des enfants. De la même manière, je ne m’attendais pas à ce que les éducateurs se comportent le plus souvent avec les jeunes comme s’ils n’avaient pas été des réfugiés. En effet, être réfugié ne veut pas dire qu’on n’est rien d’autre. Cela n’est pas une identité. Pour autant, il ne faut pas sous estimer la gravité de la situation de réfugiés, la complexité de leur situation qui tient à la fois des conditions de vie et de départ du pays d’origine, la difficultés du voyage entrepris et les conditions de leur accueil. Il s’agit en effet de jeunes qui ont vécu des choses extrêmement dures et ont subi des traumatismes. Il convient donc d’analyser les enjeux de cette réalité complexe. Ainsi, passer quelques jours dans ce centre m’a permis de dégager quelques pistes de réflexion.
Le grand public est coupé d’une réalité qu’il ne connaît pas, parce qu’il entend constamment parler de la « crise » des migrants et que les médias présentent parfois les réfugiés de manière inquiétante et négative. Ils construisent une image, le plus souvent basée sur l’imaginaire et le fantasme. Bien évidemment cela induit des répercussions sur le comportement et participe à la construction d’un monde séparé, celui des réfugiés.
La réaction de certains des voisins du centre m’a d’ailleurs montré à quel point cet imaginaire était puissant et pouvait transformer une situation anodine en un véritable problème existentiel. Ainsi, un adolescent qui fume à sa fenêtre est traité par un voisin du centre comme un délinquant. De la même manière, les jeunes, jugés trop bruyants, ont tout simplement reçu l’interdiction de fréquenter le jardin public à côté du centre. Ou encore, après les attentats de Bruxelles, on craint pour la sécurité des jeunes et ils doivent alors rester dans le centre. Comment en arrive-t-on au point de tenir ces jeunes comme responsables voire coupables d’un phénomène dont ils sont victimes. De la même manière, la façon dont les réfugiés sont traités au niveau des accords internationaux semble oublier qu’il s’agit de personnes humaines, sans égard pour les droits de l’Homme que pourtant l’Union européenne prétend défendre.
Alors que le portait que l’on dresse des réfugiés est souvent basé sur l’imaginaire et contribue à entretenir des peurs, une meilleure connaissance de la réalité des faits inciterait à repenser la question des réfugiés de manière plus poussée.
Yoann Cler