Soixante ans après le célèbre « appel de l’Abbé Pierre », force est de constater que le message de solidarité empreint de valeurs humanistes, lancé jadis par celui qui fut la personnalité préférée des français durant de longues années, inspire aujourd’hui encore l’action des milliers de membres des communautés Emmaüs de France.
Depuis 1999, le mouvement Emmaüs est présent dans la région du Dunkerquois et poursuit sa lutte contre la misère et l’exclusion. La communauté s’occupe d’apporter une aide précieuse aux plus démunis, fournissant gîte, vêtements, couvertures, tentes et repas quotidiens à toute personne dans le besoin, sans discrimination, quelle que soit son origine ou encore son orientation religieuse. L’action tout entière de cette communauté est orientée autour du slogan, traduisant avec vigueur la pensée de son fondateur, « servir premier le plus souffrant ».
C’est dans le cadre d’un travail de recherche en science politique, que j’ai eu la chance de rencontrer Mme Sylvie Desjonquères, directrice de la communauté Emmaüs de Dunkerque, et acteur central de la problématique du camp de réfugiés de Grande-Synthe. Un personnage haut en couleur, charismatique, passionné, imbu de sa mission et ne manquant pas d’humour quand il s’agit de parler des édiles municipaux dont l’action ne rencontre pas ses idéaux qu’elle défend bec et ongles. Très engagée pour sa cause et pour les valeurs de solidarité et d’entraide qu’elle défend, elle n’hésite d’ailleurs pas, en février 2014, à réitérer l’appel de l’Abbé Pierre en l’intitulant : « au secours mes amis, nous avons besoin de vous […] Pour ne plus qu’aucune femme ni enfant ne meure sur les parvis de Calais ».
Présente depuis plus d’une vingtaine d’années dans la région, elle a été au centre de la gestion des différentes vagues de réfugiés qui se sont succédées dans le Nord de la France depuis la fin des années 1990. Plus récemment, Sylvie Desjonquères et sa communauté ont été les témoins de l’arrivée massive de réfugiés dans la région de Dunkerque, fuyant les conditions de vie épouvantables générées par les situations de conflits armés et les atrocités commises par l’organisation Etat islamique en Syrie et en Irak. En l’espace de seulement quelques mois – de septembre 2015 à décembre 2015 – la population de la « jungle » du Basroch située à Grande-Synthe est passée de quelque 200 personnes à plus de 2500 personnes, s’entassant dans la boue, l’humidité et le froid.
Tout de suite, Emmaüs décide de se porter au chevet des réfugiés, leur fournissant toute l’aide qui leur était possible d’apporter. Animés par la volonté profonde de lutter pour la cause des exilés, Sylvie Desjonquères et sa communauté ont tout de suite réagi face à cette situation catastrophique. En étroite collaboration avec le réseau associatif de la région et bénéficiant de relais politiques tels que Damien Carême, l’actuel Maire de Grande-Synthe, partageant la même volonté de mettre en avant la catastrophe humanitaire que constitue le camp du Basroch, ils ont été les acteurs décisifs qui ont permis de faire pression sur l’Etat français afin que le nouveau camp de la Linière, conforme aux normes internationales humanitaires, soit construit.
Il était important, à mon sens, de mettre en lumière le travail réalisé par Sylvie Desjonquères et la communauté Emmaüs, et plus globalement de tout le tissu associatif, dans la gestion de la problématique des réfugiés à Grande-Synthe. Par leur volonté, leur courage et leur détermination sans faille, ils pallient les défaillances de l’Etat français, dont l’inaction a eu pour conséquence de laisser à leur sort des milliers de réfugiés déjà traumatisés par la guerre, la faim et le froid.
Mathieu Saïfi