Comment des critères généraux peuvent s’appliquer à des situations personnelles de migrants ? De quelle marge de manœuvre les acteurs appliquant ces critères sur le terrain disposent-ils ? Ces questions nous amènent à questionner la pertinence de ces critères permettant au demandeur d’asile, sollicitant un retour, l’acquisition d’aides matérielles et/ou financières. Ces critères ont été établis par l’agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile (ci-après Fedasil) en 2006. Ceux-ci sont apparus avec le remaniement du programme de réintégration suite à des dépenses trop élevées pour l’aide au retour. C’était souvent, « le plus vite tu fais une demande de retour pendant votre demande d’asile, le plus [vite] vous allez [l’] avoir »[1] La provenance d’un pays avec/sans visa, la vulnérabilité d’une personne ainsi que son âge, et la demande (retour simple ou réintégration assortie) constituent ces critères.
Les autorités en charge du retour volontaire, à savoir Fedasil, l’Organisation Internationale pour les Migrations (ci-après OIM) et Caritas International[2], établissent le profil du demandeur d’asile, souhaitant retourner dans son pays d’origine, sur base des critères cités préalablement. Avant la création de ces critères, la marge de manœuvre était plus large pour les ONGs et pour l’OIM qui implémentaient ces programmes de retour. Ils décidaient quel demandeur d’asile pouvait être considéré comme bénéficiaire d’aides afin d’obtenir le maximum de soutien. Par la suite, ces critères, décidés par Fedasil, ont rendu le cadre d’action plus rigide et effectif. Cependant, bien que ces critères restreignent la marge de manœuvre de Caritas et de l’OIM, cette liberté quant à la décision de soutien supplémentaire (ou non) pour la réintégration du demandeur est toujours apparente via la dénomination « cas vulnérable ». Les agents de terrains évaluent l’état de ces personnes dites « vulnérables » sur base d’éléments tels que provenance de la traite des êtres humains; les femmes enceintes; les difficultés médicales; etc. Comme Sophie De Mot nous disait : « dans des cas exceptionnels, […] on peut aussi faire une demande exceptionnelle. Donc pour des gens vraiment vulnérables, on peut demander aussi quelque chose en plus mais […] on demande toujours cela à Fedasil »[3]. C’est notamment le cas, plus précisément, pour « des personnes n’ayant pas les critères nécessaires pour obtenir une aide »[4] où la marge de manœuvre de l’OIM et de Caritas sont plus conséquentes. Pour finir, Caritas et OIM peuvent donner « leur avis, leurs idées »[5] lors de réunions avec Fedasil, ces acteurs étant directement impliqués dans l’établissement de « business plan »[6] à la réintégration, ce qui leur permet d’influer sur les procédures d’action.
C’est pourquoi, bien que des critères régissent de manière plus structurante et administrative le programme de retour volontaire, les migrants n’en sont pour autant lésés. Les acteurs de terrain prennent le temps d’apprendre à connaître la situation du migrant afin d’établir un « business-plan » futur pour maximiser sa réintégration au sein de leur pays d’origine. Ce léger flou politico-administratif sur ce qu’est un « cas vulnérable » a également permis à de nombreux roumains, par exemple, de retourner au sein de leur pays bien que faisant parti de l’Union Européenne et ne bénéficiant donc normalement pas de ce programme de retour. En effet, en 2014, il s’agissait de la destination la plus sollicitée dans le programme de retour volontaire.
Longtin Marine
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- [1] Entretien Sophie de Mot (Caritas Int.) 15 mars, p.3
- [2] Décision arbitraire de se concentrer principalement sur une ONG.
- [3] Entretien Sophie De Mot (Caritas Int.) 15 mars, p.3
- [4] Entretien Geraldine D’Hoop (OIM), 12 avril, p.9
- [5] Entretien Sophie De Mot (Cartitas Int.), 15 mars p.3
- [6] Aide matérielle à travers l’établissement d’un programme de travail futur (ex : ouverture d’un magasin ; projet d’institut de coiffure/beauté).