École, migration, intégration : des petites histoires porteuses d’espoir

La surexposition médiatique et sensationnaliste de l’immigration donne la sensation que l’« On est en train d’être envahi », ou qu’« on ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Dans son rapport au parlement européen, le journaliste Pierre Wolf montrait que 86% des êtres humains n’étaient jamais sortis de leur lieu d’origine. 66% des migrants partent d’un pays en voie de développement vers d’autres pays en voie de développement et seulement un sur trois se déplace du sud vers le nord. Les chiffres du PNUD en 2009 montrent que les migrants représentent les 3% de la population mondiale, contre 10% en 1913.

Pour ce travail, je me suis rendu sur le terrain, dans une école primaire à Jette, une commune assez méconnue pour moi. Ce n’est qu’en arrivant qu’on pouvait apprécier cette mosaïque de visages venus de quatre continents, des enfants tous en train de jouer ensemble, mettant en pratique tout ce que politiciens, institutions internationales et médias ne semblent pas arriver à faire.

J’ai rencontré des professeurs, qui montraient un grand sens de la multiculturalité et j’ai pu voir leurs yeux quand ils parlent de leurs élèves. J’ai pu constater que les possibilités de développement du racisme sont minimales dans un contexte d’ouverture à la diversité, d’entraide avec les nouveaux venus, les primo-arrivants. J’ai compris la valeur des activités extrascolaires dans les processus de socialisation, de la réaffirmation de la confiance en soi après des trajets de vie particulièrement difficiles et de sa propre construction identitaire.

Les professeurs expliquent comment à travers des programmes de localisation de cartes sur internet, ils parcourent avec les nouveaux élèves les lieux qu’ils ont du traverser durant leur voyage, de leur ville d’origine jusqu’à Bruxelles où se trouvait une famille amie.

Tous les élèves semblent rester impressionnés, comprenant les dimensions du sacrifice qu’ils ont du accomplir avec leurs familles pour être là, assis à côté d’eux. Ce mécanisme crée de l’empathie, de la compréhension et du respect envers le primo-arrivant.

Avec des autres nouveaux élèves qui ont vécu déjà dans d’autres pays d’Europe, ils appliqueront un système semblable, mais dans ce cas, l’élève montre lui même au professeur et à ses camarades où se trouvait sa maison, la route vers son ancienne école et des lieux qu’il aimait dans sa ville.

Je suis resté marqué par ce moment où les professeurs ont répondu à l’unisson qu’ils ne quitteraient jamais leur école pour aller travailler dans une autre école avec plus de moyens, parce que la diversité y est très faible et leur liberté dans l’enseignement et dans la capacité de créer des contenus serait limitée.

Même avec l’accord entre l’Union Européenne et la Turquie, Frontex, Calais, les balles de caoutchouc en Espagne, la situation dans certaines frontières et les murs qui s’élèvent un peu partout dans le monde, cette expérience dans une école de Jette m’a donné l’espoir de voir comment, dans des petits espaces concrets, dans des micromondes, dans le ventre du monde, existe le sens de la justice, du respect et de l’amour pour l’autre.

Joaldo Dominguez