Un des aspects spécifiques de l’entretien collectif auquel j’ai contribué était que les participants devaient parler en anglais, leur deuxième voire leur troisième langue. Analysant la différence des perceptions de la ‘crise migratoire’ entre la communauté francophone et la communauté flamande, nous avions besoin d’un entretien collectif en anglais parce que c’était la langue la plus facile pour les deux groupes linguistiques et qu’elle ne favorisait pas un groupe sur l’autre.
La xénoglossophobie – la peur des langues étrangères – fait l’objet de nombreuses études sociolinguistiques. Tandis qu’elle peut se manifester lors de n’importe quelle activité liée aux langues étrangères, c’est surtout l’expression et la compréhension orales qui suscitent des sentiments de malaise, des appréhensions ou des inquiétudes[1]. Dans le cadre d’un entretien collectif, ces sentiments sont amplifiés lorsque les participants doivent défendre leur point de vue devant un groupe et interagir avec leurs pairs. Durant notre entretien collectif, les participants semblaient souvent craindre de prendre la parole et ils avaient des difficultés apparentes à exprimer leurs opinions. Même les participants avec un niveau d’anglais élevé revenaient parfois sur des expressions dans leur propre langue tel que “door de bomen het bos niet meer zien”.[2]
D’ailleurs, la divergence du niveau d’anglais entre les différents participants était palpable. Hugo, un participant avec un niveau d’anglais courant, se démarquait particulièrement. En effet, il travaille dans le domaine de la migration et le fait qu’il parle l’anglais couramment a renforcé son rôle ‘d’expert’ au sein du groupe. C’est devenu d’autant plus évident lorsque des sujets plus complexes liés à la ‘crise migratoire’, tel que l’accord entre l’Union européenne et la Turquie, étaient abordés. Dans ce type de situations, l’absence de vocabulaire et la peur générale de s’exprimer dans une langue étrangère ont empêché les autres participants d’interagir aussi librement qu’ils l’auraient fait dans leur langue maternelle. Souvent, Hugo était le premier à prendre la parole et les autres exprimaient qu’ils étaient d’accord avec ses positions. Ils reprenaient également parfois ses phrases et ses expressions. Dans le même sens, il a exercé le rôle de modérateur du groupe en dirigeant les débats et en essayant d’aider les autres participants à trouver les bonnes formulations quand les mots leur manquaient.
Les différents niveaux d’anglais ont, par conséquent, permis à certains participants d’exprimer leurs idées plus facilement qu’à d’autres – un déséquilibre qui a potentiellement influencé les résultats de notre étude.
Melanie Weskamp ⎹ Vendredi 22 avril 2016
[1] MacIntyre, P. D. & Gardner, R. C. (1994) «The subtle effects of language anxiety on cognitive processing in the second language», Language Learning, vol. 44, p. 283–305.
[2] Traduit librement: ‘l’arbre cache la forêt’