L’histoire de Jawad

Durant cette enquête dans une école faisant de l’intégration sans faire partie du programme DASPA, c’est le côté humain qui m’a le plus sauté aux yeux, tant au niveau des professeurs que des élèves. La rencontre, l’histoire et le nouveau quotidien de Jawad m’ont particulièrement marqué.

Jawad a 12 ans. Il est arrivé en Belgique en septembre avec ses parents et ses deux petits frères de 8 et 10 ans. Issu d’une famille assez aisée et chrétienne,  Jawad habitait à Damas. Jawad et ses frères suivaient des cours dans une école privée qui étaient pour la plupart donnés en anglais. Début juillet, ils ont dû fuir le pays. Ils ont mis 2 mois pour arriver en Belgique. Passés à pieds par la Turquie, ils ont ensuite traversé l’Europe en bateau jusqu’en Italie, où ils sont entrés en France pour enfin arriver en Belgique après deux mois de voyages.

Le titulaire de sa classe raconte qu’au début, cela n’a pas été facile avec Jawad. Il était fort introverti, n’essayait pas de parler à qui que ce soit et ne montrait aucune motivation pour apprendre et s’adapter, s’intégrer. Pour ses petits frères, ce fût apparemment plus facile. Selon les professeurs, c’est normal, plus les enfants sont jeunes, plus ce sont « des éponges », plus ils apprennent et donc s’intègrent vite. Pour Jawad, il a fallu plus de temps. Depuis son arrivée, Jawad a été intégré dans une classe avec des élèves de son âge, il suit les cours au même titre que les autres malgré son retard en français. Les enseignants ont pris du temps au début de l’année pour raconter l’histoire de Jawad aux autres élèves de sa classe. D’après son titulaire, ses camarades de classe l’aident énormément à progresser. Quatre fois par semaine, un professeur d’adaptation le prend à part pour lui apprendre le vocabulaire, la grammaire, en passant d’abord par l’oral. Ces professeurs d’adaptation n’utilisent pas de méthode précise, selon eux, c’est « juste une question de bon sens ». Le reste du temps, Jawad suit un programme normal, comme les autres. Selon ses professeurs, c’est important qu’ils se sentent directement intégré, qu’ils ne se sentent pas différent. Il a un bulletin comme les autres, est évalué comme les autres et a le même travail qu’eux, même s’il est parfois adapté en fonction de ses difficultés. Les différents professeurs qui s’occupent de lui l’ont laissé prendre ses marques à son aise.

Aujourd’hui, nous sommes en avril et cela fait déjà 8 mois que Jawad est en Belgique. Il vit avec sa famille chez des amis syriens arrivés il y a plus longtemps dans le quartier. Leurs amis d’accueil ne parlant pas spécialement français, une professeure libanaise de l’école aide les parents pour l’administratif. Jawad, quant à lui, s’est petit à petit intégré dans sa classe. Il commence à s’exprimer dans un français assez correct, il lui manque encore du vocabulaire, son titulaire lui traduit encore des mots en anglais pour qu’il comprenne mieux, mais d’après lui, c’est incomparable avec le début d’année. Jawad part bientôt en voyage pendant une semaine avec sa classe à Texel au Pays-Bas.  Il me dit qu’il est un peu stressé mais qu’il a surtout hâte de partir avec toute sa classe.

Le parcours de Jawad est similaire à celui d’énormément de primo-arrivants dans les écoles de Bruxelles. Il n’est pas toujours évident pour les professeurs de s’adapter pour donner la meilleure formation possible à ces enfants, par manque de temps, manque de formation mais surtout par manque de moyens. Cependant, ce qui m’a énormément marqué, c’est la motivation de ces professeurs à donner leur temps et de faire au mieux pour aider ces enfants à s’épanouir et ne plus se sentir différents.

Coline Van Deursen

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