Quelles motivations pour les bénévoles ?

Action des bénévoles et responsabilité du politique

Pourquoi en pleine crise migratoire certaines personnes se mobilisent ensemble, volontairement, et sans attente de récompense financière pour aider les migrants qui arrivent en Belgique? Alors que sur la scène médiatique, bien que des images tragiques des différentes traversées circulent, aussi bien en mer que par les Balkans, une sorte d’apathie est palpable. Nous avons donc voulu savoir qui sont ces personnes, quelles sont leurs motivations, ont-elles un lien avec l’immigration, avec le politique, l’associatif ?

Pour ce faire, nous avons eu envie de les rencontrer dans différentes villes belges et ce au sein d’associations qui œuvrent pour l’accueil des migrants. Le but était d’avoir une vue plus exhaustive des motivations et donc nous ne voulions pas nous cantonner à une seule ville voire à une seule association. Se rendre dans de multiples associations était le meilleur moyen pour nous de rencontrer un panel large de bénévoles et d’effleurer la mosaïque de motivations qui constitue cette action bénévole. Pour ce qui est des villes, nous nous sommes concentrés sur Arlon, Bruxelles et Tournai. La méthode d’enquête par questionnaire nous a paru dans ce cas, la méthode la plus apte à embrasser cette diversité. Cependant, dans un souci de contact humain et surtout pour permettre à certains d’entre eux d’aller au-delà des réponses fermées, nous avons également été sur le terrain pour discuter avec les bénévoles, partager leurs vécu et leurs expériences.

De grandes similarités se sont dégagées dans les différentes villes quant au type de motivations, mais un aspect nous a semblé intéressant à relever et développer, à savoir le lien entre le politique et le citoyen quant aux politiques migratoires. Pour beaucoup des répondants, la politique ne tient pas une place importante dans leur vie. Quant à ceux qui s’y intéressent, ils ne sont pas pour autant actifs dans des organisations voire sur la scène politique. Néanmoins nous pouvions sentir un certain mécontentement quant à la non-action de politiques d’accueil, et surtout une envie générale des bénévoles de réagir face à l’absence de réaction politique réellement solidaire.

« Dans ma ville (Tournai), les autorités ont d’abord semblé frileuses quant à l’accueil d’un centre pour migrants de 700 à 800 personnes. Vu ce qu’ils fuyaient, je voulais faire quelque chose, mais quoi ? Quand un groupe de soutien (puis deux) s’est formé, j’ai répondu présent et ai créé des premiers liens avec quelques migrants, surtout des jeunes qui pouvaient avoir l’âge de mes enfants. Je ne pouvais pas imaginer qu’il puisse leur arriver ce qui arrivait à ces demandeurs d’asile et qu’on ne les aide pas là où ils pouvaient enfin se poser un peu. »

Ce qui ressort des différents témoignages est que le politique ne s’occupe pas assez du volet concernant l’aide et l’accueil des migrants dans notre pays. En effet, force est de constater que le cas belge est presque à l’opposé des pratiques allemandes en la matière. Entre des hommes politiques aux déclarations ostensiblement populistes teintées de relents xénophobes, faisant preuve plus ou moins d’inactivisme à l’égard de ses migrants et entre un secrétaire d’Etat qui accorde la priorité aux politiques de retour aux dépends des politiques d’accueil… nous sommes très loin des politiques allemandes qui mettent clairement en avant la perspective positive de l’accueil des réfugiés. Perspective notamment défendue par la chancelière allemande qui tente d’insuffler la même volonté politique à l’échelle européenne.

Tout ceci montre le contraste marqué entre ces deux pays voisins et européens. Alors que l’accueil des migrants s’est institutionnalisé en Allemagne, la Belgique se distingue par un besoin de la société civile à s’emparer du problème pour lui trouver une solution ne serait-ce que temporaire. Qui plus est, au sein des différentes associations on a conscience que la seule action citoyenne n’est pas suffisante pour accueillir dignement et respectueusement ces personnes. Nous pouvons donc légitimement nous poser la question de la responsabilité des gouvernements et plus largement de l’Etat belge dans les politiques d’accueil ou encore d’ouverture des frontières. Est-il normal que face à cette inaction, une partie de la société civile se sente donnée la mission de s’auto-organiser et de gérer les flux (incontrôlés ?) de migrants sur le sol belge et de cette manière de montrer une humanité oubliée dans les sphères politiques ?

Maximilien Geulette, Idrissa Kaba, Selma Mitri, Marie Nicolay, Laura Tsafack