Des tensions palpables entre les associations

Dans l’année écoulée, le camp des réfugiés de la Linière à Grande-Synthe est devenu l’un des camps les plus représentatifs de la crise migratoire en Europe. Cette situation attire ainsi de nombreuses associations venant de zones géographiques différentes, avec une même ambition : aider et soutenir.

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Espace commun du camp. Photo prise par Giuliana Gliottone

La majorité des associations présentes sur le camp sont d’origines françaises ou anglaises. Cependant, elles ne sont pas les seules. De part la couverture médiatique importante, de nombreuses petites associations allemandes, suisses ou encore belges se sont installées récemment. Nous avons eu la possibilité d’interviewer une large palette de celles-ci, représentant le côté multiculturel de l’aide proposée. Approcher des associaitons de toute horizon a été une expérience très enrichissante: les approches du problème étaient différentes selon l’interlocuteur. La différence était palpable notamment entre associations françaises et étrangères.

Nous avons été surpris d’observer sur le camp cette problématique que nous n’avions pas du tout prédite au départ. Force est de constater cependant que celle-ci est très présente. Lors de nos discussions, plusieurs acteurs dans la gestion du camp nous ont souligné cette problématique du conflit existant entre associations d’origines différentes, sans avoir même posé la question préalablement.   

J’ai ainsi ressenti une grande tension entre les différentes associations. Pas tant au niveau des idéologies, mais davantage au niveau des origines de celles-ci. On a donc interviewé différentes typologies d’associations qui ont une provenance, des resources matérielles et une vision du problème complètement differentes.

La ville de Grande-Synthe a donné à l’association « Utopia 56 » la gestion du camp. Utopia 56 qui est une association française récemment crée. Nous avons eu la possibilité de parler rapidement avec un de leur exposants et il nous a souligné qu’il y avait une volonté de la part des associations françaises d’acquérir un rôle plus important. Force est de constater cependant que les associations les plus présentes sur le camp sont d’origines étrangères (notamment anglaises). Réalité assez surprenante puisque le camp se trouve en France.

La première personne qui nous a parlé de ces rapports est F. B. Cuchet. Il gère une école sur le camp, fondée par un anglais. Il soutien cependant fortement la nécessité des associations françaises d’obtenir une position plus importante sur le camp. Selon lui, la façon de travailler est tellement différente lorsque l’on compare une association française et une anglaise, qu’il est normal voire naturel que des conflits se créent : «Le seul problème qu’il y a eu, c’est qu’il y a eu un grand conflit au début du camp entre les associations anglaises et françaises. Les Anglais on les connaît, ils sont très pragmatiques, je pense que ça vient du temps des colonies. Ils arrivent, ils ont tout qui arrive derrière, donc quand ils ont vu la crise, nous avons eu le mauvais rôle car c’est la police française qui empêchait les gens de passer, car la frontière est à Calais. Ce sont les Anglais qui payent pour les barrières, les barrières viennent de Londres, mais les migrants quand ils arrivent ici voient que ce sont les Français qui les empêchent d’aller en Angleterre».

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Ancienne cuisine de Rastplatz. Photo prise par Giuliana Gliottone

Joel Sames, un des créateur de Rastplatz, nous donne une toute autre vision du problème. Rastplatz est une association suisse qui gère une grande cuisine au sein de la « Jungle de Dunkerque »  et distribue entre 500 et 200 potions de nourriture par jour. Selon lui, la différence se constate surtout sur le site. Il n’y a jamais eu une forte présence d’associations françaises sur le camp. Leur travail n’est pas comparable à celui des nombreuses petites associations suisses, allemandes ou anglais présentes jours et nuits. Les préjugés et défiances se sont donc installés au fur et à mesure envers les associations françaises.

Depuis le déménagement, de nouveaux acteurs sont déjà présents sur le terrain. Ce nouveau site offre beaucoup plus de possibilités concernant la coopération, en espérant que le travail en équipe soit favorisé plutôt que les tensions.

 Giuliana Gliottone

Emmaüs : l’humanitaire avant tout

Soixante ans après le célèbre « appel de l’Abbé Pierre », force est de constater que le message de solidarité empreint de valeurs humanistes, lancé jadis par celui qui fut la personnalité préférée des français durant de longues années, inspire aujourd’hui encore l’action des milliers de membres des communautés Emmaüs de France.

Depuis 1999, le mouvement Emmaüs est présent dans la région du Dunkerquois et poursuit sa lutte contre la misère et l’exclusion. La communauté s’occupe d’apporter une aide précieuse aux plus démunis, fournissant gîte, vêtements, couvertures, tentes et repas quotidiens à toute personne dans le besoin, sans discrimination, quelle que soit son origine ou encore son orientation religieuse. L’action tout entière de cette communauté est orientée autour du slogan, traduisant avec vigueur la pensée de son fondateur, « servir premier le plus souffrant ».

C’est dans le cadre d’un travail de recherche en science politique, que j’ai eu la chance de rencontrer Mme Sylvie Desjonquères, directrice de la communauté Emmaüs de Dunkerque, et acteur central de la problématique du camp de réfugiés de Grande-Synthe. Un personnage haut en couleur, charismatique, passionné, imbu de sa mission et ne manquant pas d’humour quand il s’agit de parler des édiles municipaux dont l’action ne rencontre pas ses idéaux qu’elle défend bec et ongles. Très engagée pour sa cause et pour les valeurs de solidarité et d’entraide qu’elle défend, elle n’hésite d’ailleurs pas, en février 2014, à réitérer l’appel de l’Abbé Pierre en l’intitulant : « au secours mes amis, nous avons besoin de vous […] Pour ne plus qu’aucune femme ni enfant ne meure sur les parvis de Calais ».

L'ancien camp du Basroch, après son démantèlement par la police.
L’ancien camp du Basroch, après son démantèlement par la police en mars 2016 (photo prise par Mathieu Saïfi).

Présente depuis plus d’une vingtaine d’années dans la région, elle a été au centre de la gestion des différentes vagues de réfugiés qui se sont succédées dans le Nord de la France depuis la fin des années 1990. Plus récemment, Sylvie Desjonquères et sa communauté ont été les témoins de l’arrivée massive de réfugiés dans la région de Dunkerque, fuyant les conditions de vie épouvantables générées par les situations de conflits armés et les atrocités commises par l’organisation Etat islamique en Syrie et en Irak. En l’espace de seulement quelques mois – de septembre 2015 à décembre 2015 – la population de la « jungle » du Basroch située à Grande-Synthe est passée de quelque 200 personnes à plus de 2500 personnes, s’entassant dans la boue, l’humidité et le froid.

Le nouveau camp de la Linière, premier camp humanitaire aux normes internationales de France.
Le nouveau camp de la Linière, premier camp humanitaire aux normes internationales de France (photo prise par Mathieu Saïfi).

Tout de suite, Emmaüs décide de se porter au chevet des réfugiés, leur fournissant toute l’aide qui leur était possible d’apporter. Animés par la volonté profonde de lutter pour la cause des exilés, Sylvie Desjonquères et sa communauté ont tout de suite réagi face à cette situation catastrophique. En étroite collaboration avec le réseau associatif de la région et bénéficiant de relais politiques tels que Damien Carême, l’actuel Maire de Grande-Synthe, partageant la même volonté de mettre en avant la catastrophe humanitaire que constitue le camp du Basroch, ils ont été les acteurs décisifs qui ont permis de faire pression sur l’Etat français afin que le nouveau camp de la Linière, conforme aux normes internationales humanitaires, soit construit.

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« Everybody welcome! » « Good luck brothers and sisters » (photo prise par Mathieu Saïfi).

Il était important, à mon sens, de mettre en lumière le travail réalisé par Sylvie Desjonquères et la communauté Emmaüs, et plus globalement de tout le tissu associatif, dans la gestion de la problématique des réfugiés à Grande-Synthe. Par leur volonté, leur courage et leur détermination sans faille, ils pallient les défaillances de l’Etat français, dont l’inaction a eu pour conséquence de laisser à leur sort des milliers de réfugiés déjà traumatisés par la guerre, la faim et le froid.

Mathieu Saïfi

Conditions de vie des réfugiés : l’ancien et le nouveau camp de Grand-Synthe

La jungle de Grande-Synthe. Les médias nous en parlent régulièrement. La boue, l’humidité, le froid mais surtout les conditions de vie insalubres sont souvent les synonymes utilisés pour décrire le camp des réfugiés présent dans l’agglomération Dunkerquoise.

Jeudi 24 mars 2016, Nicolas, Mathieu, Chloé et moi-même avons décidé de nous rendre à Grande-Synthe  et d’y passer la journée afin de visiter le camp des réfugiés et de rencontrer les ONG et associations présentes. Dès notre arrivée, j’ai eu l’agréable surprise de voir les enfants s’amuser, les ados jouer au ballon mais aussi les femmes discuter avec entrain. Les habitudes semblaient déjà bien installer et pourtant, le camp ne datait que de quelques semaines. Nous avons donc eu la chance de voir le camp sous un œil nouveau puisque le déménagement était très récent. « La jungle » de Grande-Synthe dont nous entendions beaucoup parler, avait un nouveau visage.

N’ayant jamais vu l’ancien camp, nous avons posé quelques questions à Claudette, membre de l’association ADRA, pour connaître les changements marquants depuis le déménagement. Et le jugement est sans appel :

« C’est comme passer d’un hôtel moins 4 étoiles à un hôtel 4 étoiles » ; « L’ancien camp était inhumain et invivable » ; « On voit déjà que les réfugiés se promènent plus souvent sur le camp. Dans l’ancien, ils sortaient uniquement s’il y avait nécessité. »

Les douches étaient très peu nombreuses et le temps sous celles-ci était chronométré : 7 minutes maximum par réfugié pour que tout le monde puisse en bénéficier. L’ancien camp se trouve au milieu d’un petit bois. Le sol était extrêmement boueux, tellement qu’il était impossible de s’y rendre sans s’enfoncer jusqu’aux genoux lorsqu’il pleuvait. Les enfants jouaient au milieu des déchets, dans le froid et l’humidité.

Après cette discussion, nous avons voulu nous approcher de cet ancien camp pour voir de nous-mêmes à quoi il ressemblait. Dès le premier regard, j’ai eu la possibilité de mettre des images sur les mots tels que « invivable », « indigne » ou « inhumain ». J’ai vu le camp vide mais il y avait encore de nombreux déchets, palettes, tentes… Et il m’était extrêmement difficile d’imaginer 2 500 personnes y vivre tous les jours, pendant des mois.

 

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L’ancien camp de Grande-Synthe. Photo prise par Flavie Derick

 

Je retiens cette expérience comme l’un des moments les plus intéressants de cette journée, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, l’opportunité  de comparer l’ancien et le nouveau camp était essentielle dans notre recherche. Cela nous a permis de comprendre la raison de la lutte des associations mais aussi du maire dans « la création d’un camp plus digne ». Personnellement, cela m’a également beaucoup appris. La réalité du terrain m’a permis de voir le problème dans sa globalité et, ainsi, développer un regard plus objectif et pertinent. Il faut connaitre les objectifs passés, les succès et les échecs pour pouvoir comprendre objectifs futurs.

Aujourd’hui, les sanitaires sont plus nombreux et régulièrement nettoyés. Les familles sont très souvent dehors de leur petit chalet et vont à la rencontre des autres. Il y a des écoles pour les enfants mais aussi pour les adultes désireux d’apprendre une nouvelle langue. Les conditions de vie se sont donc clairement améliorées. Peut-être pas digne d’un hôtel 4 étoiles, mais au moins digne d’un être humain.

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Le nouveau camp de la Linière, Grande-Synthe. Photo prise par Flavie Derick

 

Flavie Derick

Damien Carême, maire de Grande-Synthe : acteur majeur dans la gestion de la crise migratoire

Le commune de Grande-Synthe est la première commune de France à avoir ouvert un camp humanitaire pour l’hébergement des migrants, au mois de Mars. Ce projet a été financé par Medecin Sans Frontière et les associations d’aide aux migrants en partenariat avec le maire de Grande Synthe, Damien Carême.

Le déménagement des réfugiés du camp de Barosch, situé entre un quartier résidentiel et le stade communal de Grande-Synthe vers le camp de la Linière n’aurait pas été possible sans l’intervention de M. Carême et sa volonté de donner aux réfugiés des conditions de vie acceptables, tout en ménageant la population de la commune.

Lorsque le maire nous a accueilli dans son bureau, en mars dernier, le camp de La Linière, flambant neuf, avait à peine trois semaines. Ce camp avant-gardiste, qui permet aux migrants de vivre dans des conditions humaines, au sec et au propre, n’aurait pas pu exister sans lui. Il a fourni le terrain et a laissé à MSF le champ libre pour installer un camp avec pour seule condition que ce camp ne soit pas vouer à durer indéfiniment. Il s’est également porté garant du camp face à l’Etat.

Ce dossier lui tient à coeur et cela semblait évident tout au long de l’interview. Le maire est au centre du problème, à mi-chemin entre les associations, les migrants, l’Etat mais aussi les habitants de cette commune du Nord de la France, il a un véritable travail d’équilibriste. Pourtant, il semble très enthousiaste par le camp et cet entrain m’a véritablement interpelé.

Il y avait même un certain soulagement lorsqu’il parlait du nouveau camp par rapport à l’ancien. Lorsque nous avons abordé le sujet des enfants sur l’ancien camp, ses propos étaient glaçant, « C’était horrible, horrible, les gamins étaient dans les tentes, ils ne pouvaient pas bouger, ils ne pouvaient rien faire, pas d’espace de jeu, ils ne pouvaient pas courir, ils s’enfonçaient dans la boue, la boue jusqu’aux genoux, c’était impensable. »

Pourtant, son projet reste précis. Le camp n’a pas pour but de durer indéfiniment. Construit sur un terrain qui empêche une extension continu du camp, le but est de revenir à des proportions plus humaines au niveau de l’accueil de migrant. Ainsi, pour M. le Maire, « le camp est trop important avec 1.500, il faudra petit à petit qu’on le résorbe ».

En effet, avec une population à Grande-Synthe d’un peu plus de 21 300 habitants, le nombre de réfugiés a représenté jusqu’à 10% de la population totale de la ville, c’est à dire environ 2800 réfugiés. Dans une ville qui a aussi ses propres problèmes, avec notamment un chômage élevé, autour de 24%, l’accueil des migrants a été pourtant bien géré et c’est une véritable fierté pour le maire.

Pourtant, la cohabitation n’est pas toujours simple. Tout d’abord le premier camp était situé dans un quartier résidentiel et les habitants n’étaient séparés des migrants que par la route. Bien que le camp ait été évacué entre temps, nous avons pu en voir les restes et cela fait froid dans le dos. De plus, les migrants ne se sentent pas toujours bien accueilli dans la ville. M. le Maire a donc du faire preuve d’un grand talent de communication pour éviter que la situation ne dégénère, comme cela a pu être le cas à Calais.

Son inquiétude est maintenant le financement. Sans un soutien de l’Etat, la commune de Grande-Synthe et la communauté urbaine de Dunkerque ne pourront pas assumer seules le coût d’entretien et de fonctionnement du camp. En effet, celui ci est estimé a environ 3 millions d’euro par mois, ce qui est une somme bien trop élevée pour une ville de cette taille.

Il peut cependant se rassurer de la présence toujours aussi importante des associations qui restent très mobilisées sur le camp. Il nous a d’ailleurs annoncé qu’UNICEF comptait intervenir sur le camp exactement. Il ne semble donc pas inquiet à propos de l’avenir du camp. De plus, des animations commencent à prendre forme sur le camp, comme des concerts ou des distributions d’oeufs de Pâques aux enfants.

Il nous a fait part d’un souhait. M. Le Maire aimerait que d’autres communes prennent exemple sur Grande-Synthe et sa gestion des migrants pour prendre eux aussi en charge des migrants et le soulager de ce poids et de cette responsabilité.

Chloé Sapéna

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Vestige de l’ancien camp de migrants
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Vestige de l’ancien camp de migrants

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Le nouveau camp de la Linière
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Le nouveau camp de la Linière

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Visite de M. le Maire de Dunkerque (première personne à droite) et du procureur de la République de Dunkerque le 20 avril 2016 Source : http://www.damiencareme.fr/archives/4019

L’éducation : un besoin fondamental pour les réfugiés

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Tableau de classe de l’école du camp (Photo prise par Nicolas Klein)

Quand on pense à l’accueil des réfugiés, on se préoccupe surtout de ce que l’on considère comme les besoins primaires: nourriture, logement, habillement. Pourtant, l’éducation rentre également dans cette catégorie, mais n’est pas assez souvent évoquée.

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Tableau du cours de mathématiques (Photo prise par Nicolas Klein)

Je n’en avais pas vraiment pris conscience jusqu’à ce que je rencontre Benoit Fulgence Cuchet, membre de l’association Edlumino qui gère le fonctionnement de l’école sur le camp de réfugiés de Grande-Synthe, dans la banlieue de Dunkerque. Lors de mon interview avec lui au début du mois de mars, il a bien insisté sur le rôle fondamental que l’éducation doit tenir: « Les associations, même anglaises, ont cette limite, elles sont focalisées sur nourriture et habillement, eles ne se rendent pas compte que l’éducation est aussi primordiale, ça ne rentre pas dans les têtes » m’a-t-il dit.

Et pour cause. S’il est vrai que se nourrir, s’habiller et se loger sont des besoins indispensables, s’éduquer l’est tout autant, d’autant plus pour des gens qui viennent d’une culture totalement différente. À Grande-Synthe, l’immense majorité des réfugiés sont Kurdes. La plupart d’entre eux souhaitent aller en Angleterre, mais les places sont limitées. Il y a actuellement près de 200 enfants sur le camp, et ce sont bien sûr eux qui sont prioritairement concernés par l’éducation.

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Salle de classe (Photo prise par Nicolas Klein)

L’école fonctionne depuis maintenant plusieurs mois, et cela se passe très bien. « Ce sont des enfants gourmands, extrêmement brillants, éduqués, donc ils apprennent assez vite » m’a dit Benoit. « Et ils sont doués, franchement doués, ils sont rapides. Ils viennent même nous voler nos bouquins, on est bien content qu’ils les volent » rajoute-t-il avec le sourire. « On a une ambiance extraordinaire. Tout le monde nous crie « Teacher teacher » partout où l’on va sur le camp » me disait encore Benoit, avec une fierté apparente. Et j’ai pu m’en rendre compte lorsque je me suis rendu sur le camp. Tous les enfants qui étaient à l’école avaient des livres ou des stylos en main, participaient avec les professeurs, et étaient impatients de retourner en cours le lendemain.

Car c’est là aussi un des problèmes sur le camp : occuper ses journées. Certes, les réfugiés sont totalement libres d’entrer et de sortir du camp quand ils le souhaitent. Mais pour les enfants, une journée peut paraître bien longue. « Dès que tu fais un break, l’enfant retourne au jeu, et sur les camps ils s’embêtent donc ils font les andouilles, et très vite ça peut devenir des bandits car ils ne sont pas du tout structurés » avertit Benoit. C’est donc aussi en ce sens que l’éducation a une place fondamentale auprès des réfugiés. « Il y a un besoin d’éducation et de formation qui va au-delà même de l’enseignement, qui est un relais pour les parents » insiste-t-il.

L’éducation va donc bien au-delà du simple rôle scolaire sur le camp. Les enfants apprennent bien sûr l’anglais, le français, la géographie et les mathématiques. Mais surtout, l’association cherche véritablement à leur donner un cadre, mettre en place des programmes éducatifs structurés, afin que les enfants se comportent mieux au quotidien. Et c’est ce genre de choses qu’il faut aussi mettre en avant et promouvoir. Car la solidarité est bien présente à Grande-Synthe, il suffit de s’y rendre pour s’en apercevoir. À nous maintenant de faire passer ce message : oui, l’éducation est aussi un besoin fondamental pour les réfugiés.

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Entrée de la tente provisoire de l’école (Photo prise par Nicolas Klein)

Nicolas Klein

L’engagement des bénévoles

Pour notre enquête de terrain, qui a porté sur l’évolution du camp de Grande-Synthe, nous nous sommes concentrés sur ses principaux gestionnaires, c’est-à-dire les associations et les représentants de l’État. Nous avons donc travaillé sur des groupes d’acteurs et non pas sur des individus. Cette décision découlait de notre choix de consacrer notre rapport sur les relations qu’ils entretiennent. Mais au niveau personnel ce qui me frappe toujours c’est le rôle joué par les individus à l’intérieur de ces associations, vu qu’elles se constituent autour de la volonté de certaines personnes et que les rapports de force que nous avons analysés se forment autour des liens directs entre les gens.

Ayant travaillé moi-même comme bénévole pour la Plateforme d’aide au réfugiés (Hall Maximilien), je suis toujours frappée par les raisons qui poussent certaines personnes à s’impliquer et d’autres à fuir le problème. J’aimerais donc apporter ma réflexion sur ceux qu’il faut à mon avis considérer comme les acteurs principaux du camp, c’est-à-dire les bénévoles. Très naturellement j’ai été amenée comparer ce que je connaissais déjà du fait de mon expèrience et ce que j’ai vu sur le camp de la Grande-Synthe.

Tout d’abord j’aimerais définir le concept de bénévole. Il s’agit de personnes qui décident de mettre à disposition leur temps pour la résolution d’un problème, pour une cause, pour des motivations les plus différentes, sans recevoir aucune rémunération.

A Grande-Synthe, il y a de nombreux bénévoles, de différentes nationalités. Il est frappant d’observer l’engagement de personnes qui ne sont pas directement touchées par la crise migratoire, quand on sait combien il est difficle de rassembler des gens qui se trouvent face à la nécessité d’agir. En effet au Hall Maximilien, la plupart des bénévoles viennent de la ville de Bruxelles et ils ont décidé de s’engager puisque ils étaient face à face avec les réfugiés, qu’ils les voyaient tous les jours dormir sur leur trottoir. Il est vrai que la situation de Grande-Synthe a été beaucoup plus médiatisée et c’était justement à ce moment-là que les réfugiés ont commencé à arriver en masse. Dans tous les cas, c’est la découverte de la situation, que ce soit par les écrans télévisés ou que ce soit dans notre quotidien, qui peut bouleverser les consciences.

J’ai pu retrouver ces mêmes impressions dans plusieurs entretiens que nous avons, par exemple avec la représentante de Emmaüs. Elle-même bénévole, elle a évoqué à plusieurs reprises la contribution d’activistes provenant de toute l’Europe et du Canada, surtout à partir du mois de septembre 2015.

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Enfants jouent sur le nouveau camp de Grande-Synthe. Photo prise par Nicolas Klein

A part des Anglais, qui sont plus directement touchés par la question, on retrouve des Néerlandais, des Belges, des Canadiens etc. J’étais fascinée par leur décision d’intervenir dans un autre pays, ce qui est différent de la situation à laquelle j’étais habituée.

Notamment cela pose un problème au niveau de langue, de la communication, de la façon de concevoir le bénévolat et la mise en place d’une action concrète. Malheureusement cet aspect international du bénévolat ne plaît pas à tout le monde. Par mon expérience, j’estime que cette difficulté est strictement liée aux rapports personnels entre ceux qui travaillent sur le camp et se reflète au niveau associatif. On crée des amitiés, même des liaisons, mais aussi des rivalités à mon avis injustifiées vu que l’on travaille tous pour la même cause qui est le bien-être des réfugiés et pas l’affirmation de notre rôle. Encore pire cela génère du chaos dans la gestion du camp et dans la prise de décision, autant que dans la communication avec l’État.

Mais quoiqu’il arrive, les bénévoles sont là. Ils agissent. Ils n’ont pas d’expérience, ils n’ont pas d’instruments, ils ont seulement du temps à consacrer. Et cela me mène à poser la question : pourquoi l’État, qui aurait l’expérience et les instruments nécessaires ne donne pas de son temps à cette cause.

Marella Tassini