A la recherche de Malinowski

Passé les refus, les appels qui restent en absence, les dizaines de messages laissés, les problèmes de faisabilité et de scientificité, nous y voilà : nous sommes des sociologues, des politologues de terrain, menant une enquête ! #NousSommesMalinowski

Crédit: S.Aumailley
Crédit: S.Aumailley

La crise des migrants définissait le cadre général de cette enquête de terrain. Mais comment étudier un phénomène en cours, encore mal compris et en mouvement ?


Qui dit « crise des migrants » implique un flux de familles et d’individus, parfois d’enfants seuls, face à une adaptation forcée à la société européenne. Le sujet nous tendait les bras : comment arrive-t-on ou comment va-t-on réussir à intégrer ces individus aux passés et aux histoires divergentes ? Et que pensent-ils de la volonté de certains d’entre nous de les intégrer coûte que coûte ?

L’éducation semblait jouer ici une place primordiale dans l’intégration de ces familles, de ces enfants parfois en manque de repères. Avec la soif de terrain et de réveiller en nous les pères de l’observation participante, nous voulions leur donner la parole. Écouter ce que ces nouveaux citoyens pensent du système éducatif qui servira à intégrer leurs enfants dans nos sociétés.

Et puis, vint la faisabilité. Des ONGs débordées, des participants introuvables et dispersés ont eu raison de notre esprit malinowskien. Quelle déception !


Alors, par réflexe académique d’étudiants dressés au raisonnement déductif, nous nous sommes lancés dans la recherche documentaire d’un problème, d’un manque dans le système éducatif, qui servirait de base à une étude. Et le voilà !

Le constat des élites politiques et académiques est presque unanime : le système belge d’intégration des enfants primo-arrivants (appelé DASPA) les enferme. Homogène, le système crée des classes homogènes où se serrent des enfants issus de même milieu, de familles semblables, de passés similaires. Ils ont les mêmes problèmes, parlent souvent la même langue. Problème ? Oui, car l’intégration devient alors un monde clos où se côtoient des individus semblables, rendant plus difficile une intégration dans la société belge, « la vraie ».

Voilà un constat qui interpelle. Pourquoi ne pas demander leurs avis à ceux qui permettent à ce système de vivre chaque année : les enseignants ?

Avec l’idée de confronter l’analyse scientifique froide aux ressentis des professeurs sur le terrain, notre problématique mettait en avant les perceptions des professeurs de DASPA sur l’impact de cette structure dans l’intégration des enfants primo-arrivants.

Mais comment mesurer leurs sentiments ?

Et Malinowski réapparait ! Observation participante en école, entretiens sur les sujets de l’enquête : nous sommes des sociologues de terrain !

Bien sûr, le terrain semblait large. Pourtant, face aux refus de nombreuses directions d’établissements, nos possibilités se réduisent. Mais nous insistons : après tout, l’observation des Trobriandais du Pacifique ne devait pas être simple tous les jours pour le grand Bronislaw Malinowski non plus !

Entrée, St-Josse
Entrée, St-Josse

Enfin, nous nous retrouvons face à eux : les profs de ces plus ou moins petits nouveaux citoyens. Et ils nous racontent l’adaptation quotidienne, le manque de base, la déscolarisation, l’afflux de Syriens et d’Irakiens qui fuient la guerre, des enfants brisés, agressifs parfois. On ressent vite un décalage avec les écrits scientifiques qui condamnent le système. On se passionne à notre tour et on commence à y croire. Finalement, si un système idéal n’existe pas, l’important semble d’avancer, d’aider, de comprendre et de faire comprendre. La passion qui les habite, nous passionne et finalement, pourrait bien passionner ces nouveaux élèves en quête de savoir et de force.

Sophie Aumailley, Sabrina Boukarfa, Ilham Al Majdoub, Sassry Ould Mahmoud, Nicolas Michels